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La Chine est-elle en train de revenir dans le jeu des ventes mondiales de smartphones ?
Un an après les premières mesures visant à limiter l’accès de l’empire du Milieu aux technologies les plus pointues en matière de conception de composants électroniques, la stratégie des Etats-Unis semble ne pas donner les résultats escomptés. Au contraire.
Début septembre, le fabricant chinois Huawei a discrètement lancé son nouveau téléphone, le Mate 60 Pro, dont le processeur a été conçu et fabriqué en Chine.
Ironie de l’histoire, ce lancement a coïncidé avec la visite en Chine de la secrétaire américaine au commerce Gina Raimondo.
Depuis les mesures américaines, la Chine semble avoir redoublé d’efforts pour ne plus dépendre des technologies occidentales.
Savoir combien de temps elle pourra s’en passer et combien de temps les Etats-Unis entendent restreindre l’accès à de telles technologies, reste une gageure.
En outre, évaluer l’impact des mesures américaines est d’autant plus compliqué que l’industrie des semi-conducteurs est sans doute l’une des plus globalisée au monde, entre une conception des composants majoritairement réalisée aux Etats-Unis, et une part très significative de leur fabrication effectuée en Asie. Explications.
L’industrie des semi-conducteurs fait partie des secteurs d’activité stratégiques pour assurer l’autonomie de Pékin (« Made in China 2025 » puis « China Standars 2035 »).
Selon le site Semianalysis, le développement de procédés 7 nanomètres par le fondeur chinois SMIC (qui fait fonctionner le dernier téléphone de Huawei), et l’acquisition par les entreprises chinoises de « centaines de milliers de processeurs NVIDIA H800 et A800 », « il est clair que les mesures du Département du commerce ont été fixées à un niveau insuffisant pour empêcher la Chine de passer au travers des mesures prises à l’automne 2022. »
Les mesures américaines ont interdit à certaines entreprises comme AMD ou Intel, de vendre des composants en Chine (tout comme ASML pour les équipements de photolithographie), mais la Chine semble toujours avoir accès à d’autres technologies, comme les processeurs conçus par le britannique ARM (« Armv9 »).
Cela est notamment dû au fait qu’ARM ne contrôle pas sa « filiale » ARM China et que cette dernière a toute latitude pour vendre sa propriété intellectuelle en Chine (une bizarrerie clairement indiquée dans le prospectus d’introduction en Bourse de la société, qui doit avoir lieu le 13 septembre).
Incertitudes pour Qualcomm, Samsung, Apple et d’autres
Alors que les sanctions contre Huawei, DJI et d’autres entreprises chinoises avaient fortement pesé sur leur activité, le regain de compétitivité technologique pourrait cette fois-ci jouer un mauvais tour aux entreprises occidentales et à certaines sociétés de premier plan en Asie.
Ainsi, Semianalysis observe que les ventes d’iPhone ont bondi de 35 à 45 millions d’unités lorsque Huawei a été sanctionné en 2019. « Cela représente environ 20 miliards de dollars de chiffre d’affaires pour Apple qui pourraient s’évaporer si Huawei retrouve sa position initiale [sur le marché des smartphones, NDLR]. »
L’impact pour le taiwanais Mediatek, et pour l’américain Qualcomm – qui vient de prolonger son accord de livraison de composants à Apple pour 3 ans – pourrait également être significatif : Semianalysis estime à 7,8 milliards de dollars le volume d’affaires qui serait potentiellement perdu par les deux entreprises.
Critiques des mesures américaines
La logique « d’encerclement » (comme l’a critique Xi Jinping) ou d’interdiction d’accès de la Chine à certaines technologies de pointe pourrait avoir des conséquences bien plus vastes que sur le seul plan économique, avertissent certains experts.
Dans un article publié par le Wall Street Journal, Henry Farrell et Abraham Newman, deux universitaires, observent : « Si la Chine n’a pas à craindre les représailles occidentales, elle pourrait avoir le courage d’attaquer Taïwan, de faire valoir ses revendications territoriales dans la mer de Chine méridionale et contre l’Inde et de tenter d’obtenir l’hégémonie asiatique. D’autres pays pourraient s’unir à la Chine ou se lancer dans une plus grande autosuffisance technologique, craignant d’être les prochains sur la liste des cibles du contrôle des exportations. »
Les auteurs observent en outre que la politique de représailles américaine relève plus de l’improvisation que d’une réelle stratégie cohérente et inscrite dans le long terme.
Comme dans un jeu à somme nulle, ce que les Etats-Unis cherchent aujourd’hui à prendre d’une main risque d’être perdu dans l’autre.
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