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Pour un baptême du feu, Slawomir Krupa, le directeur général de la Société Générale, ne s’attendait sans doute pas à recevoir un accueil aussi glacial.
Au terme d’une longue présentation de son plan stratégique 2026, lundi 18 septembre à Londres, le cours de la Bourse de la banque a plongé de 12%. Mardi 19, le titre reculait encore de 0,6% dans un marché quasi stable, avant de se reprendre légèrement le lendemain.
Turpitudes boursières
Il faut remonter au 15 mars 2023, en pleine « crise bancaire » aux Etats-Unis puis en Europe (avec Credit Suisse) pour observer une correction d’une ampleur similaire (-12%).
Auparavant, le titre avait connu deux séances de baisse de plus de 10% les 24 février et 2 mars 2022.
Dans des exercices similaires (en 2010, 2014 ou 2017), son prédécesseur Frédéric Oudea n’avait pas subi un tel affront.
Le cœur du message lundi – faire de Société Générale une banque durablement solide en Europe – n’a pas pris.
La réponse des investisseurs est claire : la banque manque d’ambition. Trop prudente.
Les dirigeants de la Société Générale s’étaient peut-être dit qu’avec une décote de valorisation qui plombe son cours depuis de si nombreuses années, faire preuve de prudence, dans un contexte macroéconomique et géopolitique incertain serait de nature à recevoir un certain assentiment de la part de la communauté financière.
La chute boursière semble aussi une forme de sanction de l’incapacité de la banque à tenir ses engagements par le passé (sauf au prix de retraitements comptables quasi systématiques).
La banque doit d’abord démontrer qu’elle peut « délivrer » en bon franglais – ce qui suppose de faire preuve de patience.
Au-delà, où le bât blesse-t-il ?
Des trous dans la raquette
La communication financière de SocGen est centrée sur quelques indicateurs financiers importants (coefficient d’exploitation, rentabilité des fonds propres, ratio de solvabilité et taux de distribution entre autres).
Mais les analystes estiment que des « blancs » ont été laissés – pas de prévisions intermédiaires pour 2024 par exemple, pas d’objectif chiffré de résultat net ou de taux de distribution pour l’an prochain…
Et de manière plus générale, par rapport à ce qui a été indiqué, une forme de surprise sur la très faible dynamique de croissance des revenus, entre 0% et 2% par an en moyenne.
« Nous avons du mal à voir comment les actifs pondérés du risque (« RWA ») peuvent croître de moins de 1% en organique, compte tenu des prévisions de PIB et d’inflation, et les prévisions de croissance des prêts, à moins que certaines poches d’actifs puissent être optimisées de manière significative », observent Giulia Aurora Miotto et Gulnara Saitkulova, analystes chez Morgan Stanley.
Pour Amit Goel et Sam Moran-Smyth de Barclays, le débat autour du capital de la banque, principale raison de sa sous-performance ces dernières années, n’a pas été clarifié une fois pour toute.
Vouloir atteindre l’objectif de capital de 13% de manière organique « conduit à un taux de distribution plus faible, le groupe absorbant de surcroît l’inflation réglementaire et les coûts de restructuration », soulignent-ils dans une note.
A la différence de BNP Paribas, qui va réinvestir les capitaux issus de la cession de BancWest dans sa croissance interne, SocGen briderait volontairement sa croissance en limitant volontairement ses objectifs dans des proportions sensiblement supérieures à ses comparables cotés. Un mystère pour ces analystes.
Ceci signifie que tout potentiel d’amélioration sur le capital de la banque proviendra des cessions, sujet sur lequel les dirigeants de la banque sont restés mutiques.
L’autre question est celle de la profitabilité de la banque – en particulier chez Boursorama, dont les objectifs de croissance ont été revus à la hausse, avec un retour aux bénéfices reporté dans le temps.
Pour Barclays, la stratégie de SocGen est centrée sur l’allocation du capital (« stewardship »), en soi louable, mais qui ici conduirait à sacrifier la croissance des revenus et la profitabilité et se traduirait par un risque de perte de parts de marché.
Équilibrisme
L’exercice d’une réunion investisseurs a essentiellement pour but de définir une feuille de route et de convaincre le marché de la capacité de l’entreprise à réaliser ce qu’elle annonce et à démontrer qu’elle dispose des ressources et des atouts concurrentiels pour le faire.
Encore faut-il disposer d’une certaine crédibilité.
Comme l’écrit Azzura Guelfi chez Citi dans une note après la réunion, le plan de SocGen est « crédible », mais sa bonne réalisation est clef ; les dirigeants de la banque sont en première ligne pour rebâtir une confiance qui semble avoir totalement disparu.
Johann Scholtz, analyste chez Morningstar estime pour sa part : « Nous avons constamment souligné la faiblesse relative de l’adéquation du capital de Société Générale, et nous avons été surpris par la politique agressive de retour du capital suivie par l’équipe de direction précédente.Nous considérons l’approche plus prudente en matière de capital comme une évolution positive. »
La chute du titre montre que la nouvelle équipe dirigeante n’aura ni « état de grâce » (ou alors il a eu lieu entre la nomination de Slawomir Krupa et sa présentation de lundi…), ni « bénéfice du doute ».
Il lui faut donc partir avec zéro crédit. Une situation inconfortable mais à un tel niveau de faible valorisation, c’est sans doute la moins mauvaise possible.
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