En l’espace d’un mois, le rendement 10 ans des bons du Trésor a subi un mouvement de hausse inédit, gagnant 50 points de base et passant de 4,43% à 4,92% entre le 22 septembre et le 20 octobre 2023.
De nombreux observateurs estiment que ce niveau élevé des taux pourrait durer un certain temps, obligeant les investisseurs à repenser leur allocation stratégique.
Dans une étude publiée le 19 octobre, les stratégistes taux et devises de Bank of America ont placé la récente remontée des taux longs en perspective.
Tout d’abord, cette hausse des taux longs et leur maintien à des niveaux élevés n’est pas nouvelle.
Le mouvement de baisse des taux depuis le début des années 1980 a suivi une phase où les taux étaient bien plus élevés et restaient sur ces niveaux.
A 5% aujourd’hui, les taux longs américains sont par exemple bien en-deçà des niveaux observés avant 1975, où ils fluctuaient entre 6% et 8% (graphique).
La banque observe que lorsque « la Fed avait un problème de crédibilité, des rendements élevés [des bons du Trésor, NDLR] coïncidaient avec un dollar faible. Depuis Volcker [ancien président de la Fed], cette corrélation est devenue positive, à deux exceptions : durant la formation puis l’éclatement de la bulle Internet ; au cours du rally du dollars en 2014. »
Alors que la lutte contre la grande crise financière de 2008 est terminée et que la globalisation ne progresse plus, voire régresse, « le risque est que les rendements [obligataires] se stabilisent à des niveaux bien au-dessus de l’histoire récente, voire encore plus hauts selon certains scénarios », avertit Bank of America.
Cette situation pourrait même profiter au dollar, en dépit des attentes d’une baisse des taux directeurs de la Fed, sans doute en 2024.
La théorie économique conduit à une analyse similaire.
Le modèle Mundell Fleming tend à montrer qu’en situation de politique monétaire restrictive et de politique budgétaire expansionniste (avec des déficits publics importants), les rendements obligataires demeurent élevés, tout comme les devises.
C’est la situation que l’on observe aux Etats-Unis, mais également en Europe. Résultat : le taux de change euro-dollar est proche de la parité et évolue assez peu dernièrement.
La remontée des taux directeurs a été bénéfique au dollar, qui s’est lui aussi apprécié (graphique).
A quoi s’attendre désormais ?
Tout dépendra selon Bank of America de l’évolution de l’économie américaine, et notamment de sa capacité à ralentir modérément (« soft landing ») et éviter ainsi une récession plus dure.
D’un côté, un dollar fort et des rendements élevés permettent de limiter l’inflation importée et d’attirer des capitaux, ce qui permet de financer le déficit public.
D’un autre côté, l’augmentation des taux provoque une hausse du coût de la dette qui doit mener inévitablement une politique budgétaire plus restrictive pour préserver la crédibilité des institutions monétaires et fiscales du pays.
Pour Bank of America, un « hard landing » serait positif pour le dollar, car le dollar conserverait son statut de valeur refuge en cas de récession dure de l’économie américaine (fuite des actifs risqués dans un mouvement « risk off »).
Dans le cas d’un « soft landing », l’inflation continuerait de reculer et l’économie et la politique des Etats-Unis redeviendrait plus synchrone avec le reste du monde. Des rendements plus faibles bénéficieraient aux actifs risqués, actions en tête.
Il faudra toutefois que la Fed ne dévit pas du cap qu’elle s’est fixée, mais aussi que les marchés ne doutent pas de la soutenabilité de la dette américaine.
Dans l’un ou l’autre cas, le scénario pour le dollar serait baissier, mais la dynamique des taux serait elle haussière.
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