Après l’avertissement sur les résultats et la chute de 59% du titre en Bourse mercredi 25 octobre, les actionnaires de Worldline peuvent se poser de sérieuses questions sur la crédibilité de l’équipe dirigeante.
En présentant les ventes du troisième trimestre, son directeur général, Gilles Grapinet, s’est senti obligé de réitérer les qualités fondamentales de l’entreprise et de son modèle économique, ainsi que les perspectives favorables de l’industrie des paiements en Europe.
« En 10 ans, Worldline a créé l'une des plus grandes entreprises de paiement en Europe bénéficiant d'une proposition de valeur unique basée sur une technologie de pointe, de fortes positions de marché et d’un puissant réseau de distribution associé à des partenaires bancaires de premier plan », a-t-il rappelé dans le communiqué de presse annonçant les ventes du trimestre, la révision en baisse des objectifs pour 2023 ainsi qu’un nouveau plan d’économies.
Ces qualités « intrinsèques » risquent de passer au second plan aussi longtemps que les ventes, les marges et le cash généré par l’activité ne retrouveront pas une dynamique durablement positive.
Or des commentaires des dirigeants hier, les investisseurs ont conclu qu’il faudra plusieurs trimestres avant de noter une amélioration sensible de la situation financière de Worldline. La société doit avant tout mettre en œuvre un nouveau plan d’économies et rassurer sur l’évolution du cash.
« Malgré un potentiel de hausse significatif sur notre nouvel objectif de cours de 23,9 euros par action, nous restons Neutre tant que nous n’y verrons plus clair sur le cash-flow libre ou pourquoi les résultats ont été aussi fortement pénalisés au regard d’une faible détérioration de l’activité », écrivent les analystes de JPMorgan dans une note en date du 26 octobre.
Le taux de conversion en cash des résultats de seulement 30%-35%, contre 48% auparavant, soulève de fait des questions fondamentales sur le modèle économique de l’entreprise.
Peut-elle faire croître ses marges sans recourir aux opérations de croissance externe, sources de synergies ?
Comme le notait Laurent Daure, de Kepler Cheuvreux, dans une note du 10 octobre, « l’expansion des marges a été corrélée aux grosses opérations de croissance externe (la marge des services financiers a décliné en l’absence d’opérations de fusions-acquisitions). »
En outre, Worldline dispose-t-elle d’un pouvoir de négociation dans les services financiers face à des clients bien plus gros qu’elle ? Les derniers chiffres d’activité dans cette division ne cessent de décevoir et montrent que sans la signature d’un « megadeal » par an, la croissance a du mal à être au rendez-vous.
Certains courtiers considèrent qu’il faut profiter de l’aubaine d’un cours massacré pour racheter des titres, ce qui semble expliquer le rebond de près de 10% aujourd’hui.
Mais sur quel niveau de croissance organique, de marge ou de cash-flow libre valoriser l’entreprise ?
Notre analyste a placé hier le titre sous surveillance. Laurent Daure, chez Kepler Cheuvreux, qui était l’un des plus négatifs sur le titre, note ce jeudi qu’il tablait sur une chute de 20%-30% du titre après le « warning », mais que la baisse de 59% semble directement liée « à l’enquête de la BaFin sur PayOne, l’incident de paiement en France le week-end dernier et le niveau de la dette nette, qui atteint 60% de la capitalisation boursière ».
Oddo BHF observe que la chute du titre reflète des risques peu probables de se matérialiser et écarte ainsi un risque de fraude, de financement, ou « un changement complet de profil de croissance à moyen/long terme. »
Tout ceci brouille l’image de l’entreprise.
Ses dirigeants ont même réalisé l’exploit de voir le titre accentuer sa chute hier alors qu’ils répondaient aux questions d’analystes pour le moins étonnés de la détérioration soudaine de l’activité et des difficultés que cela engendre sur le plan financier pour l’entreprise.
Daure chez Kepler évoque désormais une possible sortie de l’indice CAC 40, la capitalisation boursière de Worldline fleurtant avec les 3 milliards d’euros – la taille d’une « midcaps ».
En Bourse, gagner la confiance des investisseurs prend du temps – et un certain savoir-faire en matière de communication financière (une qualité qui manque cruellement à Worldline, et depuis un certain temps déjà).
Tant que le marché n’aura pas une compréhension plus claire des défis à court terme et de la trajectoire soutenable de croissance organique des ventes (pourcentage à un ou deux chiffres ?) au-delà de 2024, il est probable que le seul moteur d’un éventuel rebond boursier sera l’intérêt d’un fonds d’investissement ou d’un acteur américain qui souhaiterait se diversifier géographique, quitte à mettre en place une nouvelle équipe dirigeante.
Sur ce point BNP Paribas Exane observe : « nous ne voyons pas de catalyste à court terme,et craignons que la crédibilité du management ne soit écornée et que le retour de la confiance ne prenne un certain temps. »
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