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PARIS (Agefi-Dow Jones)--Même les séries télévisées à succès durent moins longtemps.
La justice a donné le coup d'envoi à un nouvel épisode d'un des plus grands scandales financiers de ces 20 dernières années en France. La Cour de cassation a rendu mercredi sa décision sur l'affaire des "carnets de lait" d'UBS, annulant partiellement les décisions de la cour d'appel "en ses seules dispositions relatives aux peines et aux intérêts civils".
Si UBS reste coupable, son amende et les dommages et intérêts à verser devront être recalculés.
C'est ce qu'avait plaidé l'avocat général lors de l'audience.
Dans un communiqué, la banque se réjouit que ce jugement aille dans son sens sur "des aspects importants de l'affaire", tout en étant "déçue que la Cour de cassation française ait confirmé la décision judiciaire précédente concernant la sollicitation illégale de clients et le blanchiment aggravé des produits de la fraude fiscale".
La banque helvète, accusée par la France d'organiser l'évasion fiscale de certains de ses clients français, avait été condamnée en première instance en 2019 à verser 4,5 milliards d'euros, dont 3,7 milliards d'euros d'amende et 800 millions d'euros de dommages et intérêts.
Elle avait vu ensuite sa sentence fortement allégée en 2021, la cour d'appel ramenant la condamnation à 1,8 milliard d'euros, constitué d'une confiscation d'un milliard d'euros et de 800 millions d'euros de dommages et intérêts. L'amende proprement dite a, quant à elle, été réduite à la portion congrue, à 3,75 millions d'euros, près de mille fois moins qu'en première instance.
A cette époque, certains observateurs estimaient qu'UBS aurait pu s'arrêter là, mettant fin à cette histoire rocambolesque faite de dénonciations anonymes, de notes prises à la main dans des carnets pour ne pas laisser de traces et de démarchage bancaire illicite, notamment lors d'événements organisés en France. Mais la banque, décidée à ne rien lâcher, s'est pourvue en cassation, persuadée qu'elle pourrait encore faire baisser la note. Bien lui en a pris.
"Aspirer l'épargne française"
C'est en 2011 que le président de l'Autorité de contrôle prudentiel française a alerté le procureur de la république de Paris sur de possibles faits de fraude fiscale impliquant UBS.
Mais l'affaire a commencé réellement en 2009. Après la crise financière des "subprimes", la banque suisse, comme beaucoup d'autres, a cherché à se restructurer et a limogé certains de ses employés.
Les langues ont alors commencé à se délier et d'anciens cadres ont alerté anonymement le département d'audit d'UBS qui en a informé l'autorité de contrôle française en 2010.
Selon eux, l'entité française de la banque dédiée à la gestion de fortune n'était pas rentable, ne vivant que par l'injection de fonds de sa maison mère en Suisse. Elle n'aurait été utilisée, entre 2002 et 2007, que pour "aspirer l'épargne française" au profit de la Suisse.
Or, il est entendu qu'UBS Suisse, ne disposant ni du passeport européen ni d'une licence bancaire française, n'avait pas le droit de prospecter ou de démarcher des clients français. Les accusations sont lourdes. Il est notamment reproché certaines méthodes mises en place par UBS qui auraient eu pour objectif "d'apporter un concours à des opérations de dissimulation de fonds provenant du délit de fraude fiscale".
Calcul d'apothicaire
Les faits se rapportent à une autre époque, avant la décision de la Suisse de mettre fin au secret bancaire en 2014 et à la mise en place effective d'échanges d'informations en 2018 entre juridictions.
Et si les juges de première instance avaient été particulièrement sévères avec UBS, considérant la fraude comme acquise, la cour d'appel a été moins claire.
Certes, elle a confirmé en 2021 la culpabilité de la banque, mais elle a vidé cette décision de sa substance en supprimant quasiment l'amende : ne pouvant déterminer précisément les sommes en jeu, impossible d'en calculer précisément le montant.
En revanche, la décision d'appel avait confirmé les dommages et intérêts versés à l'Etat français de 800 millions d'euros et confisqué un milliard d'euros qu'UBS avait déjà consignés au tribunal en 2014. Un calcul qu'UBS a toujours contesté, estimant que la cour d'appel lui reprenait d'un côté ce qu'elle lui avait rendu de l'autre.
Après la décision de la Cour de cassation, une nouvelle juridiction d'appel devra fixer une nouvelle somme.
Cette décision de justice a été bien accueillie en Bourse, le cours d'UBS ayant progressé de 2,3% mercredi et restant stable jeudi. Mais si des provisions devaient être reprises en cas de nouveau jugement plus clément en appel, cela ne devrait pas intervenir avant plusieurs années.
-Franck Joselin, L'Agefi ed: VLV
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