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PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'Argentine a opté pour le saut dans l'inconnu plutôt que pour la continuité en élisant dimanche l'économiste ultra-libéral Javier Milei à la tête de l'Etat pour les quatre prochaines années.
Il succédera le 10 décembre prochain au péroniste Alberto Fernandez, dont le successeur désigné, Sergio Massa, n'a obtenu que 44% des suffrages au second tour.
"Ce résultat représente un signal de détresse de la part d'une population en proie à une pauvreté croissante et à un taux d'inflation incontrôlable. L'incapacité du gouvernement d'Alberto Fernandez à mener des politiques visant à atténuer les problèmes économiques du pays a été l'une des principales raisons pour lesquelles les Argentins ont choisi de donner une chance à Milei", affirme Thierry Larose, gérant chez Vontobel.
Le nouveau président se donne pour mission de redresser le pays et d'en finir avec le mal de l'hyperinflation. Celle-ci a dépassé 140% en octobre, alimentée par la faiblesse de la devise et le recours à la banque centrale pour financer le déficit public.
Le pays est en récession et très endetté avec un prêt de 44 milliards de dollars auprès du Fonds monétaire international (FMI), le plus important jamais octroyé par l'institution.
Les marchés financiers argentins étaient fermés lundi, pour cause de jour férié, mais les obligations en dollar de l'Etat argentin cotées à l'étranger ne montraient pas de mouvement de panique parmi les investisseurs.
Au contraire, ces titres étaient en hausse de 7% à 10%, la plupart des obligations traitant sur des niveaux très décotés autour de 26%-27%. Concernant la devise, le peso argentin s'échangeait dans une fourchette offre-demande de 900-950 face au dollar lundi sur le marché parallèle ("dollar blue"), un niveau stable par rapport à celui qui précédait le résultat du second tour.
D'abord, la politique économique libérale et d'austérité que veut mener Javier Milei pour sortir le pays de la crise et de l'inflation va dans le bon sens, selon de nombreux économistes. Les idées avancées par le futur président argentin sont proches de celles proposées par le parti conservateur qui lui a offert son soutien entre les deux tours par la voix de Mauricio Macri, l'ancien président argentin.
Le nouveau locataire de la Casa Rosada, le siège du pouvoir exécutif, veut réduire les dépenses de l'Etat, privatiser une grande partie de l'économie, mais aussi... supprimer la banque centrale et remplacer le peso par le dollar américain.
Pas de marge de manœuvre
"Javier Milei a proposé de réduire les dépenses publiques et d'instaurer la dollarisation pour lutter contre l'inflation galopante", relève Michael Langham, analyste marchés émergents dans l'équipe Global Macro Research d'abrdn.
"Cependant, il sera confronté aux défis d'un Congrès divisé et de la situation économique désastreuse de l'Argentine. L'espace budgétaire est limité et une récession profonde et prolongée sera probablement nécessaire pour calmer l'inflation, qui s'est élevée à 142% sur un an en octobre", poursuit-il.
Les investisseurs pensent ainsi que le nouvel élu ne pourra pas mettre en œuvre ses mesures les plus extrêmes. Il va devoir composer avec ses alliés, comme le parti conservateur, et n'a pas la majorité au Congrès, y compris avec les voix de ces derniers.
En comptant les voix du parti conservateur, il aurait tout juste la majorité à la Chambre basse (130 sièges sur 257) mais pas au Sénat (32 sièges sur 72).
"Javier Milei ne pourra pas passer toutes ses propositions avec des décrets présidentiels et il aura besoin d'une majorité qualifiée au Congrès, notamment pour des projets aussi structurants que la dollarisation de l'économie. Mais il devra aussi négocier avec ses éventuels alliés du parti conservateur", ajoute Thierry Larose.
Le marché va aussi être très attentif à la constitution du gouvernement et notamment à la nomination du ministre de l'Economie, un poste clé, même si Javier Milei a indiqué qu'il gérerait directement ces questions.
Federico Sturzenegger, qui était président de la banque centrale argentine sous l'ère Macri, pourrait être le futur ministre de l'Economie et Emilio Ocampo, qui a conseillé Javier Milei sur la dollarisation de l'économie argentine, pourrait être nommé gouverneur de la banque centrale.
"Nous nous attendons à ce que les premières annonces politiques de Milei plaisent aux marchés, avec une consolidation fiscale agressive. Pour tuer l'inflation, la seule mesure qui s'impose aujourd'hui est d'aligner la politique monétaire et budgétaire en rendant d'abord la banque centrale indépendante et ensuite en imposant une politique budgétaire restrictive, pour arrêter le financement du déficit public par la banque centrale", estime le gérant de Vontobel.
A court terme, cet électrochoc passera par une dure récession qui imposera au futur président d'agir vite et d'éviter le gradualisme pour lequel avait opté Mauricio Macri lorsqu'il était président. Le FMI et la Chine, envers laquelle Javier Milei s'est montré très critique, ont indiqué leur volonté de travailler avec la nouvelle équipe. Le futur ministre de l'Economie devra rapidement négocier avec le FMI un assouplissement des conditions du programme de 44 milliards de dollars.
L'une des premières mesures que devra prendre Javier Milei sera aussi la levée des contrôles de changes et de capitaux, avec le risque d'une poursuite de la fuite des capitaux et d'une nouvelle hausse de l'inflation à court terme. Le cours du peso officiel, qui cotait 353 pour un dollar vendredi, va devoir s'approcher du cours sur le marché parallèle ("blue chip").
"L'écart entre le cours officiel et le blue chip qui est le véritable taux de change et se situe proche du dollar blue va se rétrécir au cours des prochaines semaines", affirme Thierry Larose. Le blue chip swap rate est le taux implicite dérivé de la conversion des obligations ou des actions cotées à la fois en peso argentin et en dollar. Une dépréciation dès ce mardi est possible.
-Xavier Diaz, L'Agefi ed: VLV
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