En panne en 2023, le marché des IPO en Europe devrait reprendre en 2024

2023 aura été un millésime difficle pour les marchés européens.

Agefi/Dow Jones 22.11.2023
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Crédit photo: AP

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Difficile millésime 2023 pour les introductions en Bourse (IPO) en Europe, et particulièrement à Paris.

En zone euro, seules 17 opérations de plus de 100 millions d'euros ont été réalisées cette année, contre 21 en 2022 et 161 en 2021, selon les données de Dealogic, qui montrent qu'aucune n'a été effectuée en France en 2023, après deux en 2022 et 12 en 2021.

Les volumes européens se sont limités à 9,4 milliards d'euros, contre 16,6 milliards d'euros en 2022 et 78,4 milliards d'euros en 2021, dont seulement 51 millions d'euros en France, contre 485 millions d'euros en 2022 et 4 milliards d'euros en 2022.

Seules cinq sociétés de l'Hexagone - Lepermislibre, Florentaise, Mon courtier énergie, Osmosun et Vinpai - ont rejoint la cote parisienne, toutes sur Euronext Growth. Le marché s'est arrêté à partir du 14 juillet et le report sine die de la cotation de Planisware en octobre, qui devait réveiller la place, l'a littéralement gelée.

"Les performances post-IPO, très mauvaises, voire catastrophiques, n'incitent pas les candidats à se presser à rejoindre la Bourse", constate Jean-Baptiste Bureau, responsable des marchés de capitaux (ECM) Europe continentale chez HSBC.

A l'instar de la fintech britannique Cab Payments, introduite en juillet à Londres, et qui lance trois mois plus tard un violent avertissement sur son chiffre d'affaires, entrainant une chute de plus de 80% du titre depuis sa cotation.

"L'absence de collecte des investisseurs depuis quatre ans et la sous-performance des marchés small et mid caps ne plaident pas pour le retour de la confiance", reconnaît Vincent Le Sann, directeur général adjoint de Portzamparc (BNP Paribas Banque Privée).

Succès des IPO au Moyen-Orient

En revanche, "le marché des IPO au Moyen-Orient, où nous sommes numéro un, affiche une santé insolente", poursuit Jean-Baptiste Bureau, chez HSBC.

"Les opérations profitent d'une croissance économique très forte, liée à la hausse du pétrole, conséquence de la guerre en Ukraine. La demande des investisseurs locaux est très soutenue, comme celle des investisseurs internationaux spécialistes des marchés émergents, dont les investissements en Russie et dans ses pays satellites, se sont reportés sur le Moyen-Orient", poursuit-il.

Surtout, la vision de la cotation est bien différente de la conception européenne. "Au Moyen-Orient, les sociétés sont plus flexibles sur la valorisation et visent davantage un beau parcours boursier post-IPO.

En Europe, si le cours de Bourse progressait de 30% dans les premiers mois, on considérait que le vendeur, souvent un fond de private equity, n'avait pas vendu assez cher sa participation offerte au marché", constate Jean-Baptiste Bureau.

Vers un retour des opérations de plus de 500 millions d'euros

Pour 2024, "je reste relativement optimiste pour la reprise des cotations en Europe. Les discussions en amont s'intensifient", poursuit Jean-Baptiste Bureau.

"Le marché, avec des opérations de plus de 500 millions d'euros, pourrait rouvrir dès le mois de janvier, avec plusieurs opérations attendues en Allemagne, en Grèce, en Espagne et en Italie, et quelques 'carve-out' [scissions ou séparations d'activités, ndlr] en France", indique-t-il.

Le coup d'envoi pourrait être donné avec la privatisation de l'aéroport d'Athènes. En outre, Sodexo prévoit la scission de Pluxee, sa filiale de services prépayés, et sa cotation début 2024 sur Euronext Paris.

Ampere, la filiale de Renault dédiée aux véhicules électriques et aux logiciels, a confirmé la semaine dernière son projet de cotation au premier semestre 2024 sous réserve de conditions de marché favorables.

Sur le segment des valeurs moyennes, "nous avons trois projets dans le secteur de la transition énergétique, avec des levées d'environ 50 millions d'euros, qui devraient sortir en 2024. Le deuxième trimestre, après la publication des résultats annuels, demeure la période la plus propice", anticipe Vincent Le Sann.

"A partir du second semestre 2024 et en 2025, davantage d'ETI devraient rejoindre le marché. Elles auront besoin de renforcer leurs fonds propres, tandis que les financements bancaires seront plus difficiles avec la remontée des taux. En outre, pourraient arriver les sociétés en sortie de LBO", ajoute-t-il.

Des valorisations encore trop gourmandes

Mais pour réussir son entrée en Bourse, la fixation du prix "reste l'élément déterminant", confie Vincent Le Sann. "L'approche par les comparables ou par les cash-flow attendus (DCF) ne suffit pas. Il faut souvent ajouter une décote pour assurer le succès de l'opération et du parcours boursier post-IPO", indique l'expert. Aussi, les candidats à la Bourse devront être plus raisonnables sur la valorisation attendue. "Les multiples des deux dernières années ne sont plus tenables. Accepter une décote face aux comparables permet de se donner la possibilité d'une bonne performance dans les premiers mois de cotation", conseille Jean-Baptiste Bureau.

Face à la nécessité de financer la croissance et avec la moindre abondance de liquidités sur le marché privé, "les entreprises, en particulier technologiques, devront se tourner vers la Bourse", prévient Jean-Baptiste Bureau.

"Là encore, les valorisations devront rester raisonnables". Les investisseurs ont en effet été échaudés par les très mauvaises performances des dernières entreprises technologiques entrées en Bourse : OVHcloud (-59%), Aramis (-81%) et Deezer (-70%). Mais attention, des valorisations trop faibles ne permettent pas de faire entrer certains investisseurs qui exigent une liquidité minimale. En outre, "les cotations directes sans levée de fonds ne créent pas de liquidité, et ne facilitent donc pas d'éventuelles levées futures", prévient Jean-Baptiste Bureau.

Face au manque d'appétence des investisseurs français pour les IPO, "nous accélérons les échanges avec les acteurs européens, en particulier britanniques, allemands et nordiques", poursuit Vincent Le Sann.

"Alors qu'ils ne s'intéressaient pas hier aux opérations de moins de 300 millions d'euros, ils regardent maintenant dès 50 millions. Pour nos opérations cœur de cible, de 50 millions à 150 millions d'euros, désormais la moitié du placement est réalisé à l'international. Les fonds fermés, les family offices, sont aussi davantage présents. Les remplois de produits de cession pour d'anciens dirigeants, assortis d'avantages fiscaux importants, représentent 2% à 8% de nos placements", détaille-t-il.

Reprise attendue des augmentations de capital

Les marchés actions sont soutenus par des investisseurs de long terme, qui s'attachent à la croissance. Aussi, "pour qu'ils restent investis, la valorisation proposée au marché doit permettre un potentiel de hausse", explique Jean-Baptiste Bureau.

"Quand ces fonds 'long only' ont été sous-alloués lors de l'IPO, ils renforcent leur ligne et participent au mouvement acheteur sur le titre. Et si l'opération se passe bien, les investisseurs participeront aux suivantes. Un mouvement d'entraînement positif que nous constatons au Moyen-Orient", ajoute-t-il.

En marge des introductions en Bourse, les opérations de croissance externe, financées parfois en partie par des augmentations de capital à l'instar du rachat de Suez par Veolia ou de Borsa Italiana par Euronext, sont également à l'arrêt.

Aujourd'hui, "nous constatons une pause. Les entreprises ont eu peu de visibilité sur l'évolution des coûts de financement, qui déterminent en partie le prix d'acquisition", reconnaît Jean-Baptiste Bureau. "Toutefois, nous anticipons un redémarrage en 2024, car beaucoup de nos grandes sociétés françaises sont en excellente santé financière et pourraient souhaiter consolider leurs secteurs respectifs", souligne-t-il.

-Bruno de Roulhac, L'Agefi ed: VLV

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