PARIS (Agefi-Dow Jones)--L'Afrique n'a pas tenu toutes ses promesses pour les banques françaises. Dernière banque tricolore à conserver une présence importante sur le continent, Société Générale a annoncé jeudi la cession de ses filiales au Burkina Faso et au Mozambique au groupe panafricain Vista, qui reprendra l'intégralité des activités, des portefeuilles clients et des collaborateurs. Banco Société Générale Moçambique avait été créée en 2015, suite à une prise de participation majoritaire dans Mauritius Commercial Bank Mozambique. Une époque à laquelle la banque rouge et noire comptait encore accélérer en Afrique. Mais le vent a tourné.
L'heure est désormais au recentrage stratégique, alors que le nouveau directeur général de Société Générale, Slawomir Krupa, veut redorer le blason boursier de la banque en optimisant l'utilisation de son capital. Les ressources sont donc réaffectées aux métiers où la banque de la Défense dispose d'une taille critique et d'un potentiel de croissance important, ce qui passe par des cessions d'actifs.
Société Générale a réaffirmé à l'automne son engagement sur le continent africain, où elle dispose d'un ancrage historique fort, notamment en Côte d'Ivoire où elle est la première banque du pays, avec un bilan de 3.000 milliards de francs CFA (4,6 milliards d'euros). Elle jouit aussi d'une solide position au Maroc où elle a enregistré 469 millions d'euros de produit net bancaire en 2022.
La banque rouge et noire a toutefois décidé de se délester de ses plus petites filiales en Afrique centrale et de l'Ouest : elle a engagé la cession de sa filiale au Congo, qui fait l'objet d'un droit de préemption de la part de Brazzaville, ainsi que de sa filiale en Guinée Equatoriale au groupe Vista. C'est un autre groupe panafricain, Coris, qui mettra la main sur ses filiales en Mauritanie et au Tchad. Des opérations qui devraient être finalisées début 2024, après l'obtention des autorisations réglementaires.
Retour du risque géopolitique
Outre la pression accrue sur la rentabilité, la montée en puissance du risque géopolitique depuis le conflit en Ukraine n'est pas étrangère à ce mouvement de retrait. "Le risque géopolitique est redevenu un facteur prépondérant dans l'analyse globale des risques. Dans certains de ces pays d'Afrique, il a tendance à demeurer plus élevé que sur d'autres marchés", rappelle Rafael Quina, analyste chez Fitch Ratings. Les risques de conformité y sont également plus élevés.
D'autant que le jeu n'en vaut pas toujours la chandelle, puisque ces filiales rapportent moins de 30 millions d'euros de produit net bancaire au groupe. Le niveau de créances douteuses et le coût du risque y sont, dans le même temps, plus élevés.
Un mouvement enclenché en 2010
Alors que les banques françaises ont longtemps cru au potentiel d'équipement de la clientèle sur le continent du fait de la progression démographique rapide et de son urbanisation galopante, la crise du Covid-19 a également abîmé sa santé économique. Le désamour pour l'Afrique a toutefois débuté bien avant la pandémie. Crédit Agricole a été le premier à se séparer de ses filiales en Afrique de l'Ouest après la crise financière de 2008, avant d'engager la cession de sa participation dans Crédit du Maroc au groupe marocain Holmarcom en 2022. La banque verte ne compte plus qu'une seule filiale en Afrique, celle d'Egypte.
A la fin 2018, le groupe BPCE s'était lui aussi désengagé, avec la vente de ses participations au Cameroun, à Madagascar, en République démocratique du Congo et en Tunisie. Héritière du Comptoir national d'escompte de Paris, l'ancien parrain des banques coloniales françaises créées dans les années 1850, BNP Paribas a, elle aussi, soldé peu à peu son héritage en Afrique de l'Ouest. La première banque européenne a cédé la Mauritanie en 2010, puis la Tunisie, le Burkina Faso et la Guinée en 2019, le Gabon, le Mali et les Comores en 2020, avant d'engager la cession de ses banques au Sénégal et en Côte d'Ivoire en 2022. Elle reste présente en Algérie, au Maroc et en Afrique du Sud.
La concurrence des acteurs panafricains
Motivé par des facteurs économiques, dans un univers où la pression s'accroît sur les banques, notamment en matière de consommation de fonds propres, leur retrait du continent va aussi de pair avec la perte d'influence croissante de la France en Afrique. La Chine, la Turquie et la Russie poussent leurs pions sur le continent, tandis que des acteurs locaux, venus du Maroc, d'Afrique du Sud, du Togo ou du Burkina Faso continuent de tisser leur toile pour constituer de vrais groupes panafricains.
C'est le cas de l'Américano-Burkinabé Simon Tiemtoré, passé par la banque d'investissement de Morgan Stanley, qui veut faire de son groupe Vista un empire en Afrique de l'Ouest. C'est ainsi qu'il a mis la main sur les filiales de BNP Paribas au Burkina Faso et en Guinée, avant de racheter les activités de Société Générale en Guinée Equatoriale, au Burkina Faso et au Mozambique.
-Aurélie Abadie, L'Agefi ed: VLV
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