L’éventuelle réélection de Donald Trump est aussi importante pour les marchés et la géopolitique que n’importe quelle décision sur les taux d’intérêt en 2024.
Dans les différentes publications sur la gestion d’actifs que nous avons parcourues, l’analyse d’une élection de Trump reste marginale au regard des commentaires à profusion sur la politique monétaire et l’inflation.
Aucun document ne mentionne non plus l’impact immédiat et évident d’une réélection de Trump sur la politique environnementale, une arène que les gestionnaires d’actifs ont massivement investis à travers l’offre de fonds durables.
Le statut spécial des États-Unis menacé
Cela ne veut pas dire que les ramifications d’un nouveau mandat de Trump n’ont pas du tout été reconnues.
Le succès des détenteurs d’actions américaines au cours du premier mandat de Trump rendra humbles tous ceux qui pensent qu’un autre mandat n’entraînerait pas de nouveaux feux d’artifice sur les marchés boursiers. Les commentateurs appellent néanmoins à la plus grande prudence quant aux conséquences négatives.
« Les élections américaines de 2024 pourraient constituer un moment décisif sur le plan géopolitique, alors que l'aide supplémentaire à l'Ukraine est en jeu, parallèlement à l'imprévisibilité de la politique étrangère et de l'État de droit » estime Ron Temple, stratègiste chez Lazard Asset Management.
« De nombreux investisseurs supposent que les États-Unis détiendront toujours la monnaie de réserve mondiale en l’absence d’alternatives évidentes aujourd’hui. Je mets en garde contre une telle présomption.
« Les Etats-Unis et le dollar ont obtenu leur statut de monnaie de réserve et de valeur refuge en prouvant la résilience de leurs institutions, en développant une démocratie qui était en grande partie une question de nuances de gris plutôt que de choix binaires extrêmes, et en reposant sur un État de droit. »
« Les États-Unis ont également bénéficié de l’absence d’alternatives viables après que les Première et Seconde Guerres mondiales ont décimé les économies de leurs concurrents. Les consommateurs, les entreprises et les pays disposent de plus en plus de choix. Personne ne devrait présumer que les États-Unis ont droit à un statut exceptionnel sans l’avoir mérité. »
Y aura-t-il une ruée vers les actifs refuges ?
Avec le recul, nous savons maintenant que Donald Trump a coexisté avec un marché boursier favorable. L’indice Dow Jones Industrial Average a progressé d'environ 56 %, une hausse motivée au moins en partie par le discours de l'administration Trump sur les réductions d'impôts et la déréglementation.
Le rendement annualisé de l’indice (+11,8 %) que les investisseurs auront obtenu sous Trump était « le meilleur pour un président républicain depuis Calvin Coolidge dans les années folles », rappelle Ryan Detrick, stratègiste chez LPL Financial.
C’est loin de ce que prédisaient les commentateurs les plus pessimistes en 2016. Aujourd’hui, le monde semble très différent à certains égards, mais un nouveau mandat de Trump pourrait chercher à reproduire cette formule une fois de plus au profit – et au détriment – de secteurs spécifiques.
« Sous une nouvelle présidence Trump, des secteurs comme l'énergie traditionnelle pourraient bénéficier de changements au niveau fiscale et réglementaire, tandis que le secteur des technologies pourraient faire l'objet d'une surveillance accrue », estime la banque privée suisse UBP dans une note récente.
Expansion fiscale ?
Qu'en est-il des obligations ? Dans un contexte de taux d’intérêt élevés, elles devraient jouer un rôle important dans les portefeuilles des investisseurs. Au cours des deux dernières années, le spectre de l’inflation américaine a placé la Réserve fédérale américaine à l’avant-garde du discours public sur le contrôle de l’économie.
Ce que fera ensuite la Fed est d'une importance vitale pour la performance des actifs financiers en 2024. La banque centrale américaine vient de signaler son intention de baisser ses taux directeurs à trois reprises l’an prochain.
Au-delà de la politique monétaire, le débat sur la dette publique continuera d’occuper le devant de la scène. Et une élection de Trump n’arrangerait pas la situation.
« À la fin de l'année prochaine, les élections américaines pourraient aboutir à un résultat plus expansionniste sur le plan budgétaire, un autre catalyseur potentiel de rendements obligataires plus élevés », estime Goldman Sachs.
« L'une des options auxquelles le Congrès sera confronté à la fin de 2025 est une décision sur les réductions d'impôts de Trump », note Bank of America.
« Si le Congrès souhaite sérieusement corriger la trajectoire de plus en plus inquiétante du ratio dette/produit intérieur brut, il ne prolongera pas les réductions d’impôts de Trump. »
Guerres commerciales, Moyen-Orient
Sur le plan géopolitique, où Biden a participé aux efforts visant à soutenir l'Ukraine et à gérer les tensions entre la Chine et Taiwan, les choses pourraient changer radicalement.
Dans leurs perspectives, les sociétés de gestion ne mentionnent guère le Moyen-Orient, où l'administration Biden tente de convaincre le gouvernement Netanyahu de modérer ses opérations militaires à Gaza.
« Géopolitiquement, les tensions entre les États-Unis et l'Europe pourraient [également] refaire surface, avec des implications pour la guerre entre la Russie et l'Ukraine », estime UBP.
« Un renforcement des restrictions imposées à la Chine entraînerait également des représailles et raviverait les guerres commerciales entre les deux pays. Sur le plan politique, une administration Trump pourrait accélérer le réalignement de l’ordre géopolitique mondial avec la montée du « Sud mondial. »
Le résultat? Une hausse du cours de l’or, peut-être, sachant que ce dernier a déjà atteint des niveaux records ces dernières semaines.
« Dans l'ensemble, de telles politiques déstabilisatrices pourraient créer une opportunité pour l'or de revenir en tant que point d'ancrage à long terme de la préservation de la richesse dans les portefeuilles des investisseurs », pense l’UBP.
Les investisseurs incertains
Il y a peut-être une autre raison pour laquelle les perspectives d’investissement semblent être ceux de Trump. Les investisseurs se sont habitués au mot « incertitude » ces dernières années – que ce soit à cause de la pandémie ou peut-être de bouleversements politiques comme le Brexit. Mais s’il y a une personne dont l’élection laisse présager plus d’incertitude que tout autre événement, c’est probablement celle de Trump.
En 2016, un blog de la London School of Economics observait : « l'économie de l'Union européenne ne montre aucun signe d'amélioration et de nombreux pays de la zone euro souffrent de l'austérité. C'est dans ce climat que se dérouleront le référendum italien du mois prochain et les élections françaises et allemandes de 2017. »
« Trump jettera une ombre sur ces élections. Il a montré que la rhétorique effrénée, le narcissisme et les attaques contre les couches les plus faibles de la société peuvent être les outils de campagne électorale les plus rentables. »
La réalité a dépassé la fiction.
Les parlements britannique et européen accueilleront tous deux des élections l’année prochaine, dans un contexte de performances mitigées des économies britannique et de zone euro.
En matière politique, de fait, il n’y a aucune garantie. Littéralement, tout peut arriver.
Si l’incertitude est la seule certitude, les investisseurs devront probablement accrocher leur ceinture, car les quatre prochaines années pourraient bien être « folles ».
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