BRUXELLES (Agefi-Dow Jones)--Ceux qui, à Bruxelles et à Strasbourg, comptaient sur une fin de mandat en pente douce pour relâcher la pression avant les élections européennes de juin ont de quoi se sentir désabusés. Les institutions de l'Union européenne (UE) sont engagées dans un spectaculaire sprint législatif. Environ 130 réformes, certaines capitales, sont encore dans les tuyaux, et l'objectif est d'en faire aboutir autant que possible d'ici à la clôture des travaux parlementaires fixée fin avril. Quitte à tirer sur la corde...
En bout de chemin, il est déjà question de "serrer" l'agenda des trois dernières sessions plénières du Parlement européen pour que l'hémicycle puisse entériner un maximum des compromis qui auront été conclus.
"On peut ajouter des heures et des heures de sessions de votes, mais bon, ce n'est pas extensible indéfiniment, et les députés veulent avoir le temps d'analyser un minimum ce qu'ils votent... C'est une situation assez inédite", témoigne un fin connaisseur du Parlement.
Green Deal, devoir de vigilance, notation ESG...
Alors, pourquoi un tel empressement ? La crainte est de voir le prochain Parlement, où les rangs des droites nationalistes et populistes devraient fortement grossir en juin, remettre en cause les lois qui n'auraient pas abouti à temps, a fortiori lorsqu'elles sont de nature "progressiste". Ces inquiétudes concernent en particulier les ultimes briques du fameux "Green deal", cet ambitieux programme destiné à mettre l'Europe sur le chemin de la neutralité carbone en 2050.
"Cela donne lieu à des stratagèmes de la part de la droite au Parlement [le groupe PPE, ndlr], qui ne veut pas assumer politiquement les dernières réformes environnementales, comme celle relative aux émissions industrielles et agricoles, celle sur les émissions des poids lourds, ou encore sur les emballages et les déchets. On pinaille sur le moindre paragraphe, on joue le calendrier, car on sait que les renvoyer à la mandature suivante, c'est probablement les tuer", pointe-t-on au sein du groupe centriste Renew. Du côté du PPE, on répond que les normes environnementales venues de Bruxelles sont remises en cause aux quatre coins du Vieux continent.
De la même manière, lorsqu'à la table des Vingt-Sept, l'Allemagne propose de reporter à la prochaine mandature le délicat dossier du devoir de vigilance européen, cela a tout d'une manière de le remettre aux calendes grecques. C'est, plus précisément, le parti libéral FDP, le troisième membre de la coalition allemande qui, aux côtés d'Etats tels que la Suède et l'Italie, bloque cette directive visant à rendre les grandes entreprises responsables des atteintes aux droits humains et à l'environnement sur l'ensemble de leurs chaînes d'activités. Un vote pourrait néanmoins avoir très prochainement lieu. Mais, à Bruxelles, les défenseurs du projet se disent plutôt pessimistes.
Des juristes débordés
S'ajoutent à ce type de stratagèmes politiques des limites pratiques. Les Européens auront beau hâter les négociations en cours, tous les accords conclus ne pourront, a priori, pas être entérinés d'ici à fin avril. Car un compromis trouvé "en trilogue" entre le Parlement, le Conseil et la Commission n'a en soi aucune valeur législative. Reste à convertir l'accord politique en texte juridique solide, ce qui prend du temps. Ce travail chronophage est exécuté par les "juristes-linguistes" du Conseil de l'UE, l'institution comprenant les 27 Etats membres.
"Ce délai est incompressible : entre quatre et cinq semaines. Par conséquent, les compromis qui interviendraient à partir de mi-mars n'ont presque aucune chance d'être inscrits dans le marbre à temps. Puisque ensuite, il faut trouver un créneau de vote", explique une source européenne. Un projet tel que le nouvel encadrement des agences de notation ESG semble ainsi avoir attrapé le bon train.
Cependant, même lorsque les compromis interviennent tôt, le temps pourrait finalement faire défaut, car les ressources humaines du Conseil de l'UE ne sont pas illimitées. "Face à l'avalanche de textes, les services juridiques du Conseil risquent d'être débordés. Donc, une liste de réformes jugées prioritaires est en ce moment débattue", indique un autre interlocuteur bruxellois.
Sauf qu'à Bruxelles, le Conseil de l'UE n'est pas seulement l'institution la plus puissante, c'est aussi la plus opaque. "Tout n'est pas encore bien clair. Le paquet sur l'assurance, dont la révision de Solvabilité 2, ferait partie de la liste de ces priorités, tout comme la réforme du Pacte de stabilité", croit savoir cette même source.
Les nouvelles règles encadrant la dette et le déficit des pays pourraient ainsi être entérinées lors de la dernière session plénière, fin avril. Les groupes de gauche voient néanmoins dans ce compromis obtenu de haute lutte le spectre du retour de la rigueur budgétaire en Europe.
A quelques semaines du scrutin européen, il n'est jamais à exclure que les réformes, aussi profondes soient-elles, finissent par être percutées par des considérations électorales.
-Clément Solal, L'Agefi ed: VLV
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