Atos, peu d'espoir de rebond en Bourse

Le groupe de services informatiques s’oriente vers une restructuration massive qui va ruiner les actionnaires de l’entreprise. En l’absence d’une intervention de l’Etat pour préserver ses intérêts stratégiques, l’avenir de l’entreprise est des plus incertains.

Jocelyn Jovène 26.03.2024
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Crédit photo: AP

Les investisseurs qui s’aventureraient à spéculer sur un éventuel rebond en Bourse d’Atos après l’annonce de résultats annuels désastreux devraient s’attarder sur la lecture des états financiers 2023 du groupe de services informatiques, en particulier le tableau de flux et le bilan. Et prendre leurs jambes à leur cou.

Quels informations ces états font-ils ressortir ?

Au niveau du bilan tout d’abord, la structure financière de l’entreprise est, sans surprise, dans une situation périlleuse. Celle-ci explique pourquoi Atos a été obligé d’entamer des négociations avec ses créanciers pour restructurer sa dette, et pourquoi d’autres cessions d’actifs ont été annoncées.

Malgré un plan de cessions d’actifs de 700 millions d’euros (rallongé de 400 millions en juillet 2023), comme annoncé par l’entreprise, des réductions d’effectifs (de 110.797 à 95.140 salariés), les fonds propres ont fondu de 3,8 milliards d’euros fin 2022 à 55 millions d’euros fin 2023, tandis que la dette nette a augmenté de 1,45 à 2,23 milliards d’euros (selon le calcul du groupe).

Cela signifie que la valeur résiduelle du patrimoine de l’entreprise (la différence entre l’actif et le passif) est quasi nulle.

Se pose donc la question des actifs qui peuvent encore être cédés pour faire face aux obligations de l’entreprise en l’absence d’injection de nouveaux capitaux. Et une fois ces actifs cédés, quelle sera la rentabilité des actifs restants, dans l’éventualité où l’entreprise pourrait poursuivre son activité.

La lecture du tableau de flux (page 5 des états financiers publiés) n’est guère rassurante de ce point de vue.

En 2023, Atos affiche un excédent brut opérationnel (EBO) de 1,03 milliards d’euros, stable sur un an, alors que le flux de trésorerie opérationnelle est passé de +427 millions d’euros en 2022 à -413 millions d’euros l’an dernier.

De plus, ce cash généré (consommé) par l’exploitation n’inclut ni les charges d’intérêt cash (102 millions d’euros), ni les loyers payés par l’entreprise (358 millions) – flux qui sont liés à la poursuite de ses opérations.

Si on rapporte le flux de trésorerie opérationnel à l’EBO, on voit que le ratio de conversion du résultat en cash est devenu fortement négatif (-40% en 2023 contre +41,9% en 2022).

Pour retrouver un ratio positif, donc couvrir l’ensemble de ses obligatiosn à court terme (paiement des salaires, fournisseurs, des impôts et des créances financières…) et ses investissements pour assurer sa croissance future, Atos devrait dégager des marges sensiblement plus élevées que les 4,4% affichés en 2023 (elles devraient a minima être le double en première approche).

A cela s’ajoute la question de la gestion du besoin en fonds de roulement qui a consommé du cash en 2023 (-255 millions d’euros) alors qu’il avait apporté une contribution positive en 2022 (+440 millions d’euros).

Les annexes des états financiers indiquent que l’hypothèse d’une poursuite d’activité repose sur la poursuite des cessions d’actifs annoncées en juillet dernier, « le maintien de l’accès à un programme d’affacturage » et un nouveau plan de cessions d’actifs après l’échec des discussions avec Airbus sur la vente de DBS.

Atos a indiqué disposer de « suffisamment de liquidités pour la conduite de ses activités jusqu’à la conclusion d’un plan de refinancement », mais précise que « toutes ces circonstances créent une incertitude sur la capacité du Groupe à poursuivre son activité en continuité d’exploitation » si un accord sur un plan de refinancement ne pouvait être trouvé ou de nouvelles cessions d’actifs ne pouvaient être réalisées.

Au vue d’une situation financière aussi désastreuse, les actionnaires existants ne pourront que subir une dilution massive de leur participation si un accord sur une restructuration financière est trouvé (le groupe envisage une augmentation de capital comme une option pour renforcer son bilan).

La question qui se pose maintenant est, outre l’entame des discussions avec les créanciers, ce que va faire l’Etat pour limiter la casse sociale et préserver ses intérêts stratégiques.

Or dans un contexte de détresse financière aussi aigüe, on peut se demander sur quels actifs le groupe va pouvoir se replier pour tenter de dessiner un avenir durable – et s’il en reste tout simplement.

 

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A propos de l'auteur

Jocelyn Jovène

Jocelyn Jovène  est analyste financier senior et rédacteur en chef de Morningstar France.