Vendredi 31 mai, l’agence de notation Standard & Poor’s (S&P) a abaissé de « AA » à « AA- » la note de crédit de long terme de la France assortie d’une perspective stable.
Le rendement demandé par les investisseurs pour détenir la dette française a très légèrement reculé suite à cette nouvelle, même s'il s'inscrit sur une tendance haussière depuis plusieurs mois.
L'agence de notation avance trois raisons pour abaisser sa note :
- La dette publique de la France devrait atteindre 112% du PIB en 2027 contre 109% en 2023 ;
- Le déficit public, à 5,5% du PIB, était supérieur aux prévisions de l’agence (et du gouvernement) ;
- S&P estime que le déficit public dépassera les 3% du PIB en 2027, malgré le regain d’activité économique et les réformes budgétaires mises en œuvre.
Une situation financière tendue
Après un fort rebond post-COVID, aidé notamment par une série de mesures de soutien à l'économie, le PIB de l'économie française a fortement rebondi en 2021 et 2022, avant de ralentir fortement en 2023 et 2024. Un rebond est attendu à partir de 2025.
Ce rebond de l'activité ne devrait toutefois pas suffire à ramener le déficit public de la France au niveau de 3% fixé par les traités européens. En 2027, S&P prévoit un déficit public de 3,5% du PIB, alors que la France a annoncé son intention de ramener le déficit sous la barre des 3% à l'horizon 2027.
Cette trajectoire de croissance et de réduction des déficits publics sera de fait insuffisante pour réduire sensiblement le niveau de la dette publique de la France. Rapportée au PIB du pays, le ratio d'endettement de la France devrait être durablement supérieur à 100% alors qu'il était de 96% avant la crise du COVID.
L’agence précise qu’elle pourrait relever la note de la France si le pays parvient à réduire son déficit plus rapidement que prévu, mais qu’elle pourrait aussi l’abaisser si « la croissance économique apparaît sensiblement plus faible que nos prévisions ou si la France est incapable de réduire ses importants déficits publics ».
C’est la première fois depuis 2013 que S&P abaisse la note du pays, rappelle Le Monde. La France se situe désormais au même niveau que l’Estonie et la Slovénie, et se retrouve derrière l’Allemagne (AAA), les Pays-Bas (AAA), l’Autriche (AA+), les Etats-Unis (AA+) et la Finlande (AA+), ou encore le Royaume-Uni (AA).
Rappelons toutefois que selon la classification de S&P, une note « AA- » maintient la France dans la catégorie des entreprises qui ont une forte capacité à honorer leurs obligations en matière de remboursement d’emprunts.
Selon Morningstar DBRS, la note de la France est « AA (high) ».
Quelles conséquences sur les marchés financiers ?
L’abaissement de la note de crédit va avoir une conséquence immédiate en renchérissant quelque peu l’écart de taux par rapport au Bund et donc les conditions de refinancement de la dette publique émise par le pays sur les marchés financiers.
Selon l’agence France Trésor, le rendement à 10 ans des obligations d’Etat était de 3,18% le 31 mai contre 3,16% la veille, 3,06% une semaine auparavant et 2,53% fin 2023. Lundi 3 juin, le rendement à 10 ans des OAT était de 3,12%.
Cette dégradation ne peut que conforter certains investisseurs dans leur prudence à l’égard de la dette française. Toutefois, elle ne devrait pas provoquer de vente massive de la part des investisseurs français ou étrangers, car la signature de la France reste de bonne qualité dans l’ensemble.
Quel impact pour mon épargne ?
Une hausse des taux d’intérêt tend à faire baisser la valeur des obligations détenues dans un portefeuille de titre et pourrait donc conduire à certains ajustement de portefeuilles à court terme.
Toutefois, le plus important pour les investisseurs reste l’évolution de long terme de l’économie française, et notamment la capacité du pays à accroître sa croissance économique potentielle – ce qu’il peut faire en investissant dans ses infrastructures (système éducatif, innovation et R&D, transports…) pour améliorer la qualité et la productivité du travail et attirer des investissements étrangers.
Conséquences politiques
Cette annonce à une semaine des élections européennes pourraient avoir des conséquences politiques pour le gouvernement Attal et la présidence d’Emmanuel Macron.
Cette décision de S&P est « une sanction à l’égard du gouvernement, qui refuse de s’engager dans une diminution conséquente des dépenses publiques », a affirmé Véronique Louwagie, députée (Les Républicains) de l’Orne.
Eric Coquerel, (Les Insoumis), président de la commission des finances de l’Assemblée Nationale, a estimé que cette nouvelle « ne changera rien sur le plan économique et financier » mais pense qu’elle pourrait servir à « justifier de nouvelels coupes budgétaires ».
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