A la veille du premier tour des législatives en France, dimanche 30 juin, les investisseurs se demandent ce qui permettra à la Bourse de Paris de rebondir durant le second semestre 2024.
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale au soir des élections européennes du 9 juin, elle a perdu toute la très légère avance accumulée sur les actions européennes jusqu’à son plus haut historique du 15 mai dernier.
Depuis cette date, l’indice Morningstar France a reculé de 8,3% quand l’indice Morningstar Europe Developed n’a concédé que 1,8% (graphique). Les craintes d’un abandon de la discipline budgétaire après le dérapage des finances publiques en 2023 explique pourquoi la Bourse de Paris a chuté après l’annonce de la dissolution.
L’espoir d’un « statu quo » sur les finances publiques
Dans un contexte politique plus incertain, le principal moteur d’un rebond serait un statu quo sur la politique budgétaire de la France, principal sujet d’attention des investisseurs, selon des gérants de fonds et stratégistes interrogés par Morningstar.
« Nous sommes positifs sur les actions françaises et européennes pour le second semestre dans un scénario où les politiques les plus extrêmes ne seraient pas mises en œuvre », indique Xavier Chapard, stratégiste chez LBP AM, dans un entretien avec Morningstar le 27 juin.
Alors que la France est sous la surveillance rapprochée des agences de notation, les investisseurs s’inquiètent en particulier d’une remise en cause de la dernière réforme des retraites, qui coûterait très cher au budget de l’Etat.
Selon l’OFCE, un organisme de recherche économique indépendant, une réindexation des retraites sur l’inflation, proposée par le RN, coûterait 13 milliards d’euros par an au budget de l’Etat. Le retour à la retraite à 60 ans (contre 64 ans pour les générations nées à partir de 1968 dans la dernière réforme), proposé par LFI, coûterait 27 milliards d’euros à l’Etat.
Volatilité de la Bourse à court terme
Au lendemain des résultats des premier et second tours (30 juin et 7 juillet), le marché français des actions et des taux n’évitera sans doute pas un regain de volatilité.
Mais selon les professionnels interrogés par Morningstar, sa vigueur et sa durée dépendront de la volonté affichée ou non par le prochain gouvernement en place de redresser les finances publiques.
« Dans un scénario central, le spread France/Allemagne pourrait revenir vers 65-70 points de base [0,65%-0,70%, NDLR], ce qui signifie que les marchés vont conserver une prime de risque politique pour la France à court et moyen terme », estime Xavier Chapard.
« Pour éviter un dérapage, il faudrait un gouvernement fort capable de mettre en œuvre une politique budgétaire. Mais dans le cas d’un gouvernement bloqué, on pourrait assister à un ré-écartement des spreads », ajoute-t-il.
Les petites valeurs chahutées
Outre les marchés de taux, où l’augmentation du spread entre l’OAT et le Bund traduit le stress des investisseurs, le segment le plus affecté par la dissolution et les incertitudes à venir a été celui des petites valeurs.
« La décision de Macron a tout changé car on a observé des vagues de rachats au sein des fonds de petites valeurs françaises », explique lors d’un entretien le 27 juin Francis Berthelin, gérant du fonds MC Spécial et lauréat du Morningstar France Awards For Investing Excellence 2024 dans la catégorie des petites valeurs françaises.
« Dans l’univers des petites valeurs, les marchés ont été sélectifs dans la baisse. Ce sont surtout les valeurs de consommation discrétionnaire (Trigano, Bénéteau, Fontaine Pajot) qui ont le plus souffert. Cette baisse a effacé la phase de surperformance des petites valeurs que l’on avait observé entre avril et mai dernier », ajoute- t-il.
Prudence à court terme
Dans l'attente des résultats, la plupart des professionnels interrogés par Morningstar ont indiqué avoir réduit leur exposition aux actions françaises.
« A court terme, nous restons prudents. Nous avons allégé les positions sur les actions et la dette françaises et le resterons après les législatives, le temps d’avoir plus de clarté », indique Xavier Chapard chez LBP AM.
Le gérant d’un grand fonds d’actions françaises indiquait récemment à Morningstar avoir réduit son exposition aux « titres sensibles à la conjoncture française (banques, construction, immobilier) » et augmenté la part des liquidités dans son portefeuille.
Francis Berthelin, qui disposait de 20% de liquidités dans son fonds depuis la fin de l’année dernière, explique ne les avoir pas réinvesties. Toutefois, il reste vigilant dans l’éventualité où la Bourse de Paris baisserait de nouveau, notant que certains titres dans l’univers des petites valeurs sont redevenus plus attrayants.
« Je pense que le marché d’actions pourrait baisser encore un peu », explique-t-il.
« Le principal risque pour la Bourse serait que la France devienne ingouvernable. Ceci ne plaira pas au marché, mais en cas de baisse, avec un CAC 40 qui tomberait vers 7.000 points, il y aurait à mon avis une opportunité de rentrer et de saisir des opportunités. »
Un scénario du pire pas intégré dans les cours
Les actions françaises se traitent en moyenne avec une décote de valorisation de 13% sur l’univers des titres couverts par Morningstar.
Toutefois, cette décote moyenne couvre une grande dispersion de valorisation, entre des valeurs de croissance et de qualité, comme LVMH, Schneider Electric, ou EssilorLuxottica, chèrement valorisées (avec des primes de valorisation de respectivement 9%, 17% et 27%), et des titres très fortement décotés comme Edenred, Sartorius Stedim ou STMicroelectronics (avec des décotes de valorisation de respectivement 45%, 34% et 34%).
Or, selon les stratégistes de Citi, le pire n’est pas intégré dans les cours de Bourse.
Dans une note en date du 27 juin, ils estiment que « les marchés actions sont trop optimistes au sujet de l’élection, car une issue probable [40% de chances d’un blocage parlementaire sans discipline budgétaire] entrainerait un ‘de-rating’ des actions françaises », que le courtier estime entre 5% et 20%.
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