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PARIS (Agefi-Dow Jones)--Ils étaient pourtant prévenus.
La majorité des créanciers d'Atos, la conciliatrice Hélène Bourbouloux et le conseil d'administration ont fait un gros pari en confiant début juin le sort de l'ex-fleuron informatique au consortium mené par Onepoint et son fondateur David Layani.
Le Petit Poucet français, qui soigne son image de self-made man et de joueur de poker aguerri, l'emportait face à l'ogre Daniel Kretinsky, alors que bon nombre de professionnels avertis doutaient de sa capacité financière à relever un tel défi: restructurer 4,8 milliards d'euros de dette et redresser le spécialiste du digital et de l'infogérance.
BNP Paribas, qui donne le "la" dans toutes les restructurations de place, s'était même rangée du côté du milliardaire tchèque, dont elle jugeait la proposition bien plus crédible.
Quinze jours plus tard, le pari est perdu et Onepoint jette l'éponge. Entre-temps, la due diligence a mis au jour de nouveaux besoins de liquidités chez Atos - un montant supérieur à 500 millions d'euros circule - qui rendaient caduque la proposition initiale. Les deux autres partenaires du consortium de reprise, Butler Industries et Econocom, ont reculé devant l'obstacle. Onepoint, qui n'est pas responsable de la dérive financière de sa cible, n'a pas réussi à arracher de nouvelles concessions aux créanciers, et a préféré se coucher plutôt que de faire tapis. Si la restructuration s'effectue sans lui, David Layani devrait tout de même perdre l'intégralité de sa mise au capital du groupe, soit environ 80 millions d'euros pour un peu plus de 11%.
Equation tendue
Sur le papier, l'équation financière de l'entrepreneur français était déjà, dès l'origine, la plus tendue. Très diserts lorsqu'il s'agit d'évoquer l'organisation horizontale de Onepoint, David Layani et son armée de conseils et de communicants le sont beaucoup moins sur les finances du spécialiste de la transformation digitale. La société ne publie pas ses comptes et se borne à revendiquer un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros. Vingt fois plus gros, Atos avait balayé d'un revers de main fin 2022 une première offre de reprise pour ses activités big data et digital, à une époque où il pouvait encore se permettre de toiser son petit concurrent.
"Onepoint dégage une rentabilité proche de 10% par an, et notre niveau d'endettement est à 1,7 fois l'Ebitda. Nous avons renforcé nos fonds propres avec Carlyle", indiquait David Layani dans un entretien aux Echos daté du 12 juin, sans plus de précisions. L'accord avec Carlyle, annoncé en novembre dernier, consiste en un financement pouvant aller jusqu'à 500 millions d'euros d'obligations à huit ans, dont une portion a servi à refinancer la dette existante. Des moyens appréciables pour une ETI de 3.500 salariés en pleine croissance, mais sous-dimensionnés pour avaler et restructurer une multinationale de la taille d'Atos.
Le schéma de reprise en portait la trace. Dans sa première offre formulée le 3 mai, le consortium imaginait injecter 350 millions d'euros en échange de 35% du capital, dont 250 millions pour Onepoint et 50 millions pour ses managers, David Layani en tête. Un mois plus tard, le 2 juin, l'apport de fonds propres du consortium avait fondu de moitié, à 175 millions, pour 21% du capital totalement dilué, les créanciers étant appelés à injecter 75 millions de leur côté. Cette offre révisée, retenue par le conseil et les créanciers, laissait encore plus de 3,4 milliards d'euros de dette chez Atos, à des conditions prohibitives, jusqu'à 13% de taux d'intérêt. "On est plutôt dans un cas où les créanciers ont trouvé leur actionnaire de référence que Onepoint son package de financement, si l'on cherche à savoir qui mène la barque dans ce dossier", relevait le 13 juin Helen Rodriguez, responsable des situations spéciales en Europe chez CreditSights.
Inquiétudes
En comparaison, la proposition d'EPEI (Daniel Kretinsky) et d'Attestor prévoyait l'apport de 700 millions d'euros de fonds propres (new money) pour 99% du capital et un effacement de dette bien plus important. Une purge pour les actionnaires actuels et les créanciers, mais sans doute justifiée au regard de la dégradation rapide du besoin en fonds de roulement d'Atos. "Les préoccupations au sujet de la liquidité du groupe sont d'autant plus fondées compte tenu de l'apport en equity bien plus délicat de l'offre gagnante, à la fois par rapport à la proposition initiale de Onepoint et à celle, perdante, de Kretinsky", ajoutait Helen Rodriguez. Il y avait de grandes chances que le processus n'aille pas à son terme, ou qu'Atos repasse dans un an ou deux par la case restructuration faute de redressement probant.
L'option Layani écartée, il reste une alternative aux créanciers: aller jusqu'au bout de leur logique et prendre le contrôle d'Atos sans partenaire industriel, ou bien rouvrir les discussions avec Daniel Kretinsky, qui leur promet cette fois jusqu'à 49% du capital. En attendant, tous les protagonistes de l'affaire ont gaspillé de précieuses semaines. Au grand dam des 100.000 salariés d'Atos et de ses clients et partenaires, dont l'inquiétude va croissant.
-Alexandre Garabedian, L'Agefi ed: LBO
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