L'urgence budgétaire, premier test d'équilibriste de Michel Barnier

Le nouveau Premier ministre va devoir dans l'urgence traiter le dossier le plus chaud de la rentrée, celui du déficit public.

Agefi/Dow Jones 06.09.2024
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barnier

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le compte à rebours a déjà commencé. Après 51 jours sans réel Premier ministre, la nomination de Michel Barnier à Matignon marque l'ouverture des dossiers économiques qui fâchent. Le 1er octobre, le gouvernement doit proposer son projet de loi de finances à l'Assemblée nationale. Il est possible que cette date soit décalée, au vu de la situation exceptionnelle que vit le pays, mais le temps presse.

Ce n'est un secret pour personne, la situation budgétaire de la France reste bloquée. Au début du mois de septembre, le gouvernement démissionnaire a élaboré un projet de budget fixant à 429 milliards d'euros les dépenses de l'Etat pour 2025, soit un niveau inchangé par rapport à 2024. Malgré cette stabilité, rendue obligatoire par la dissolution de l'Assemblée nationale, et les difficultés à former un nouvel exécutif, "le gouvernement anticipe une dégradation des finances publiques en 2024 et pour les années à venir", a pointé mercredi Claude Raynal, le président de la commission des finances du Sénat, lors d'une présentation de la situation économique et budgétaire de la France.

Dégradation historique

Michel Barnier a donc du pain sur la planche, alors même que les sénateurs dénoncent une "dégradation historique" des comptes de la nation. Ainsi, le déficit public représenterait, selon les derniers chiffres de la direction générale du Trésor, 5,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2024, contre 5,1% prévu lors de l'élaboration du programme de stabilité présenté en avril dernier, un document que la France envoie chaque année à Bruxelles. En 2025, ce déficit, toujours selon le Trésor, s'envolerait à 6,2% du PIB sans mesures correctrices.

"Nous nous rapprochons, sans aucune raison objective, des niveaux de déficit que nous avons connus lors de la crise sanitaire", a commenté le sénateur Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. Ces propos pourraient être relativisés par la légère révision à la hausse de la croissance par la Banque de France, à 1% cette année, que son gouverneur François Villeroy de Galhau a annoncée dans la presse. "L'équilibre budgétaire est largement lié à la capacité de la France à tenir un bon rythme de croissance", explique Mabrouk Chetouane, directeur stratégie marchés internationaux chez Natixis IM.

Le gendarme bruxellois

Malgré cette - très relative - embellie, la situation en France reste délicate. Le pays fait l'objet, depuis le mois de juin dernier, d'une procédure de Bruxelles pour déficit excessif. Michel Barnier devra mettre à profit son expérience d'ancien commissaire européen et négociateur de l'Union européenne lors du Brexit pour se présenter face à Bruxelles. Car, en théorie, en vertu de la procédure européenne, la France doit réduire son solde primaire structurel (avant paiement des intérêts de la dette) de 0,5% par an.

"Le nouveau cadre budgétaire comporte une certaine flexibilité temporaire intégrée en prenant en compte les paiements d'intérêts, ce qui pourrait quelque peu réduire l'ajustement nécessaire", précise dans un blog Claudia Panseri, la directrice des investissements chez UBS WM France. Or, pour que ces ajustements soient acceptés, les discussions techniques avec la Commission européenne sur le plan structurel de la France doivent démarrer le 20 septembre. Ensuite, un projet de budget doit être présenté à cette même Commission en octobre.

Dans le même temps, et pour ne rien arranger à la volatilité qui pourrait toucher les emprunts d'Etat français, les agences de notation Fitch et Moody's réviseront la notation de la France en octobre et S&P en novembre. D'ici là, les souscripteurs de papier français pourraient se méfier. "Nous voyons de meilleures opportunités dans les pays dont la trajectoire de dette est plus stable", déclare Claudia Panseri.

Les marchés de taux dans l'attente

Sur les marchés de taux, le rendement de l'OAT 10 ans a rapidement réagi dès l'annonce de la nomination de Michel Barnier, reculant de 5 points de base (pb), à 2,90%, mais dans le même temps l'écart de taux (le spread) avec le Bund allemand est resté stable autour de 70 pb. Celui-ci a évolué entre 70 et 72 pb ces dernières semaines malgré l'absence de nouveau Premier ministre.

Début août, en pleine déroute sur les marchés, le spread avait atteint 80 pb, revenant à son niveau le plus élevé d'avant le premier tour des législatives. Mais les tensions pendant l'été étaient davantage liées au débouclage de positions spéculatives. Néanmoins, l'écart de rendement entre la dette française et allemande se maintient à des niveaux plus élevés qu'avant l'annonce de la dissolution de l'Assemblée nationale et la convocation d'élections anticipées, lorsqu'il était aux alentours de 45 pb.

Incertitude

Ce spread reflète l'incertitude politique française et le risque d'une censure du nouveau gouvernement par l'Assemblée nationale, estime Mabrouk Chetouane, qui ne s'attend pas à une détente en raison de la dégradation des comptes publics. L'écart de rendement avec l'Espagne, qui avait également dû attendre plusieurs semaines avant de former un gouvernement de coalition après les élections législatives mais bénéficie d'une conjoncture économique favorable, est resté stable et au même niveau de 10 pb qu'au cours des dernières semaines. Il est trois fois plus faible qu'avant la dissolution.

Il en est de même pour le spread avec la Belgique qui est devenu négatif, autour de -12 pb ces dernières semaines, début juin. Le spread avec l'Italie fait exception. Il a augmenté au-dessus de 70 pb, son niveau de début août. Mais les taux italiens se sont aussi écartés par rapport à l'Allemagne. Malgré ce calme apparent, les taux français resteront très surveillés ces prochaines semaines.

 -Xavier Diaz et Franck Joselin, L'Agefi ed : DID

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(END) Dow Jones Newswires

 

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A propos de l'auteur

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