PARIS (Agefi-Dow Jones)--Au cours des six prochaines semaines, les marchés actions seront rythmés par les publications de résultats du troisième trimestre.
Si certaines entreprises ont déjà communiqué sur leurs comptes trimestriels, à l'instar de PepsiCo, la saison des résultats est officiellement lancée vendredi 11 octobre par les grandes banques américaines dont Wells Fargo et JPMorgan, ainsi que par le géant de la gestion d'actifs BlackRock.
Chaque saison de publication est scrutée de près par les investisseurs mais celle-ci le sera d'autant plus que les marchés actions sont au plus haut aux Etats-Unis, et non loin des records en Europe, que le marché parie sur un atterrissage en douceur de l'économie américaine et que les banques centrales ont initié leur cycle de baisse des taux, ce qui devrait rapidement se traduire dans les résultats. Le troisième trimestre est aussi l'occasion pour les analystes d'ajuster leurs prévisions pour l'année suivante, à partir des perspectives données par les dirigeants.
Cette année, les résultats du troisième trimestre s'annoncent décevants, en Europe mais aussi aux Etats-Unis.
Les analystes ont révisé à la baisse leurs prévisions dans la foulée des données du deuxième trimestre et anticipent désormais une croissance de 2,6% en Europe par rapport à l'année dernière et de 4,7% aux Etats-Unis. Mais depuis plusieurs semaines, les prévisions sont stables.
"Compte tenu des annonces préliminaires plus négatives que d'habitude et des avertissements sur bénéfices plus élevés, la situation ne semble pas très bonne", affirme Emmanuel Cau, stratégiste actions chez Barclays. Plusieurs entreprises, notamment dans la consommation, ont revu en baisse leurs prévisions de chiffre d'affaires ou de résultats, mais le marché a surtout été marqué par les multiples avertissements dans le secteur automobile (BMW, Stellantis ou Aston Martin, entre autres).
A quoi il faut ajouter des chiffres macroéconomiques décevants, notamment en Europe et en Chine. Le gouvernement allemand a annoncé que la première économie de la zone euro serait cette année en récession. Les indices PMI montrent une situation difficile en Europe, principalement dans le secteur manufacturier. Le marché attend un véritable plan de relance en Chine.
Baisse en partie intégrée
Du fait de la révision en baisse des prévisions, le marché intègre déjà une dynamique moins favorable mais "le risque de mauvaises surprises a augmenté", selon le stratégiste de Barclays.
Un constat partagé par les stratégistes de Deutsche Bank (DB): "L'un des quatre risques que nous avons identifiés pour les actions au troisième trimestre est celui de résultats plus faibles qu'attendus", indiquent Maximilian Uleer et Carolin Raab. Les deux autres risques sont le ralentissement chinois ou l'erreur de politique monétaire.
"Après un premier semestre relativement solide, nous nous attendons à ce que la saison des résultats du troisième trimestre commence à révéler davantage de fissures dans la robustesse des bénéfices des entreprises européennes, poursuivent-ils. Notre principale hypothèse reste que la baisse de l'inflation, combinée à la diminution des carnets de commandes et à des stocks élevés, entraîne une baisse des bénéfices, en particulier dans le secteur des biens".
La baisse attendue des résultats du secteur de l'énergie, en raison des effets de base défavorables pèse, bien sûr, sur la tendance globale. Hors énergie, le marché anticipe une croissance de 5%.
"Cela semble un peu optimiste pour l'Europe", juge Emmanuel Cau. L'une des craintes est que les entreprises ne puissent maintenir le niveau de leurs marges, actuellement à des sommets.
"Les entreprises ont bénéficié d'un effet prix ces dernières années pour continuer à afficher des marges élevées mais désormais il faut que les volumes accélèrent, sinon cela risque d'être compliqué pour garder ces niveaux de marges", affirme Frédéric Tassin, responsable de la gestion actions globales et thématiques chez Ofi Invest. Le consensus anticipe une baisse de 0,9% des ventes au troisième trimestre.
Résilience américaine
Les investisseurs sur les marchés américains ne sont pas dans la même logique, vu la dynamique de croissance toujours soutenue aux Etats-Unis. "La situation ne semble pas si mauvaise outre-Atlantique, où les surprises économiques ont mieux résisté", relève Emmanuel Cau. Le consensus s'attend à une croissance de 4,2% des chiffres d'affaires et de 4,7% des résultats entre juillet et septembre sur un an, pour les entreprises du S&P 500. Il s'agit néanmoins d'un net ralentissement par rapport à 12% de croissance des bénéfices du deuxième trimestre.
Cette baisse s'explique d'abord par la chute des résultats dans l'énergie, comme pour les entreprises européennes, et des matières premières, mais aussi d'autres secteurs, comme celui de la consommation.
La multiplication des alertes sur résultats (PepsiCo, McDonald's, Expedia...) reflète ces inquiétudes.
Dans l'industrie, de nombreuses entreprises ont décalé des investissements dans l'attente de la baisse des taux, ce que reflète, notamment, le profit warning de FedEx.
Le secteur bancaire devrait également peser. Mais depuis cet été, l'une des grandes craintes des investisseurs porte sur les entreprises technologiques et le retour sur investissement de l'intelligence artificielle. Le rythme de croissance des derniers trimestres n'est pas tenable. Le secteur va commencer à être confronté à des effets de base défavorables. Or, jusque-là il a tiré les résultats de Wall Street.
Au premier semestre, la croissance des bénéfices s'élevait à 8% tandis qu'ils se contractaient de 1% hors secteur technologique, relève Frédéric Tassin qui estime que l'anticipation d'une croissance de 10% des résultats cette année aux Etats-Unis pourrait être difficile à atteindre, sauf s'il y a une accélération de la croissance dans les autres secteurs que celui de la technologie.
Binky Chadha, stratégiste actions chez DB, estime que le consensus est trop pessimiste compte tenu de la résilience de la croissance aux Etats-Unis. Pour lui, le risque baissier ne concerne que deux secteurs principalement: l'énergie avec la baisse des prix du pétrole et la technologie du fait de la décélération de la croissance sur des niveaux qui restent néanmoins élevés. Il s'attend à une croissance de 9% au troisième trimestre pour les entreprises du S&P 500.
Prévisions pour 2025
Comme souvent, la prévision de croissance des bénéfices pour 2025 est élevée à +10% pour l'Europe et +15% pour les Etats-Unis.
"Une prévision de croissance du BPA [bénéfice par action, ndlr] de 10% pour l'année à venir, à ce stade de l'année, n'est pas si inhabituelle, souligne Emmanuel Cau. Les analystes ne commencent vraiment à affiner leurs chiffres pour l'année à venir qu'une fois que la saison des résultats du troisième trimestre est passée, et que les perspectives de croissance pour l'année suivante commencent à prendre forme. Nous ne serions pas surpris de voir les chiffres de l'exercice 2025 diminuer, mais il est peu probable que ces réductions constituent un obstacle majeur pour les actions... si les perspectives macroéconomiques s'améliorent au cours des prochains mois, à mesure que les baisses de taux commencent à porter leurs fruits."
Frédéric Tassin est moins inquiet dans la capacité des entreprises à atteindre l'objectif de croissance pour 2025, aux Etats-Unis comme en Europe, que de réaliser la croissance aujourd'hui attendue par les analystes pour cette année.
Avec un risque de déception à court terme mais un catalyseur pour les marchés actions à moyen terme.
Il faudra pour cela que la consommation redémarre aux Etats-Unis et en Europe, que d'autres secteurs au-delà de la tech participent à la croissance bénéficiaire et que le secteur manufacturier sorte de son marasme en Europe. Beaucoup de conditions pour un marché qui anticipe peut-être déjà ces nouvelles.
-Xavier Diaz, L'Agefi, ed: JDO
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