Le dernier sommet des Nations unies sur la biodiversité, ou COP16, qui s’est tenu en Colombie en octobre, a été un événement mitigé. Alors que 119 nations ont signé des objectifs contraignants en matière de biodiversité, la conférence s’est achevée par une âpre dispute entre pays riches et pays en développement sur la question de savoir qui doit payer pour les écosystèmes endommagés.
Ce qui n‘est pas contesté, c’est la nécessité urgente d’éviter l’extinction des espèces et la poursuite de la destruction de l’environnement.
Au fur et à mesure que cette prise de conscience se développe, la préservation de la biodiversité est devenue un thème sur lequel il est possible d’investir. Les actifs mondiaux détenus dans les fonds ouverts et les FNB sur la biodiversité ont plus que doublé au cours des trois dernières années pour atteindre environ 3,7 milliards de dollars [2,84 milliards de livres sterling].
Toutefois, selon les données de Morningstar Sustainalytics, malgré sa croissance rapide, la taille de l’univers des fonds pour la biodiversité est minuscule par rapport au marché des fonds pour le climat, qui représente 520 milliards de dollars.
“La biodiversité recoupe d’autres thèmes et le changement climatique. Mais le changement climatique vole la vedette lorsqu’il s’agit de priorité. On peut donc espérer que la COP16 servira de catalyseur pour accélérer la divulgation et l’intégration de la biodiversité”, explique Hortense Bioy, responsable de la recherche en investissement durable chez Morningstar.
Dans un rapport publié le mois dernier, Morningstar divise les fonds pour la biodiversité en trois catégories, à savoir les fonds axés sur le risque, les fonds mixtes et les fonds axés sur les solutions.
“Les fonds axés sur le risque n’investissent généralement que dans des entreprises qui visent à réduire leur impact négatif sur la biodiversité. Les fonds orientés vers le risque excluent aussi généralement les entreprises impliquées dans des activités qui nuisent aux écosystèmes”, précise-t-elle.
“Les fonds axés sur les solutions, quant à eux, ciblent les entreprises qui contribuent à la protection et à la restauration de la biodiversité par le biais de leurs produits ou de leurs services.
Le Robeco Biodiversity Equities Fund, dont la Cote de médaillé Morningstar est Argent, est le fonds de biodiversité ayant la plus haute cote Morningstar disponible en Europe.
La principale position du fonds est la société française Veolia Environnement SA VIE, la plus grande société de distribution d’eau au monde, avec 5,05%.
Selon les données de Morningstar, le fonds a enregistré des entrées de capitaux de plus de 1,9 million d’euros (1,58 million de livres sterling) depuis le début de l’année et a progressé de 7 %, dépassant ainsi la catégorie Morningstar Ecology.
Le fonds BNP Paribas Easy ESG Eurozone Biodiversity Leaders PAB a une cote Bronze.
La principale position du fonds est le géant allemand du logiciel SAP, qui représente 10,7% du portefeuille.
Le fonds a gagné 12,37 % depuis le début de l’année et, sur cette même période, il a enregistré des sorties de capitaux à hauteur de 29 millions d’euros.
Obstacles aux fonds en faveur de la biodiversité
Pour M. Bioy, de Morningstar, deux obstacles empêchent la biodiversité d’accéder aux capitaux dont elle a besoin : le manque de données et le manque d’intérêt de la part des États-Unis.
“Ce que nous constatons du côté des opportunités d’investissement, c’est qu’il y a très peu de progrès dans ce domaine. Le manque de disponibilité des données est l’un des défis, le fait qu’il n’y ait pas de normes et pas d’ensemble unique d’indicateurs vers lesquels les investisseurs peuvent se tourner. Et tout cela se passe en Europe”, précise-t-elle.
Néanmoins, elle estime que la clé pour stimuler l’engagement des investisseurs passe par un changement législatif. L’impulsion en faveur de la préservation de la biodiversité ne peut pas venir uniquement du secteur des services financiers, mais d’une politique élaborée par les pouvoirs publics.
Les intérêts divergents entre les entreprises qui veulent accélérer la transition écologique et celles qui veulent la ralentir ont également entravé les gouvernements, ce qui a fait stagner les progrès que le monde doit accomplir.
La COP 16 a-t-elle fait la différence ?
Néanmoins, Lindsey Stewart, directrice de la recherche et de la politique d’intendance pour Morningstar Sustainalytics, s’est montrée sceptique quant à l’impact de la COP16.
“Beaucoup [aurait dû] dépendre du type de cadre sur lequel les pays [se seraient mis d’accord], [pour] déterminer la manière dont les investisseurs et les pays commenceront à envisager la question”, déclare-t-il.
Toutefois, la conférence s’est achevée sur une note négative après que les pays riches ont bloqué une proposition visant à créer un fonds qui aiderait les pays pauvres à restaurer leurs environnements naturels endommagés.
Cette décision a provoqué la colère des pays d’Afrique et d’Amérique latine, dont beaucoup ont refusé de poursuivre les négociations sur d’autres sujets urgents.
En outre, l'événement a accueilli un nombre record de représentants d’entreprises et de lobbyistes issus de divers secteurs d’activité. Au total, 1 261 délégués de l’industrie se sont rendus en Colombie pour la conférence, soit plus du double des 613 délégués qui participeront à la conférence des Nations unies sur la biodiversité en 2022.
La conférence a toutefois permis de remporter quelques victoires, notamment un accord qui reconnaît le rôle clé que jouent les peuples autochtones et les populations d’origine africainedescendance dans la conservation de la biodiversité.
Pourtant, pour Stewart, la question de la matérialité, c’est-à-dire la manière dont les entreprises rendent compte et suivent les coûts des ressources naturelles dont elles dépendent, reste une question insaisissable qu’il convient d’aborder.
“Dans le monde, le capital naturel est traité comme s‘il était gratuit. Il se peut que vous deviez payer quelqu’un pour accéder à ses droits de propriété. Mais si vous trouvez une ressource naturelle, vous n’avez généralement pas à tenir compte de son coût pour la nature. Il est donc très difficile d’établir un dossier de matérialité financière pour une ressource à laquelle on a pu accéder gratuitement pendant des siècles.
Par rapport au changement climatique, il existe des infrastructures telles que le Conseil de stabilité financière, une organisation de banques centrales mondiales, qui examine les principaux impacts économiques et macroéconomiques du changement climatique sur l'économie mondiale.
M. Stewart admet que la réponse réglementaire au problème du climat a été lente, mais qu’un élan politique a animé le mouvement, un élan que la biodiversité, en tant que thème malgré la CdP 16, n’a pas encore connu.
Pourtant, avec tout le bruit autour de la COP16, Gayaneh Shahbazian, responsable de l’engagement en faveur de la biodiversité chez Morningstar Sustainalytics, veut que les gens reconnaissent que le principal problème est la destruction continue de notre écosystème.
“Au cours des 50 dernières années, les populations d’animaux sauvages ont chuté de plus de 70 %. Ce déclin dramatique n’est pas seulement une tragédie, c’est aussi un avertissement brutal”, déclare-t-elle.
La destruction continue de la biodiversité pourrait entraîner la destruction complète de services essentiels dont l’homme dépend pour vivre, de l’accès à l’eau potable à la régulation du climat.
“Ces services ont été traités comme des externalités et négligés dans les décisions politiques et économiques, alors qu‘ils soutiennent tout, de la production alimentaire mondiale à la résilience des entreprises face au changement climatique. Les conséquences de la dégradation de la nature au-delà de ces points de basculement seront catastrophiques tant pour la société que pour l’économie”, ajoute-t-elle.
Fonds pour la biodiversité Tendances
“La tendance générale pour les fonds de solutions en faveur de la biodiversité reste positive”, conclut M. Bioy.
“Les enquêtes menées auprès des investisseurs montrent qu’il existe toujours un appétit pour les investissements qui recherchent des résultats environnementaux positifs et qui ont le potentiel de générer de l’alpha en même temps.
“Les entreprises qui proposent des produits et des services contribuant positivement à la protection et à la restauration des écosystèmes naturels bénéficieront de la nécessité croissante de faire face à la crise de la biodiversité dans les années à venir.
Dans le même temps, elle affirme que les progrès en matière de prise en compte du risque biodiversité dans les décisions d’investissement restent lents, bien que ce risque figure dans le trio de tête des risques encourus par les investisseurs au cours de la prochaine décennie (Rapport du Forum économique mondial).
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