PARIS (Agefi-Dow Jones)--L‘Italie pour Amundi ne se résume pas à son accord de distribution avec le groupe financier UniCredit. Ces trois dernières années, l’état-major de la société de gestion du Crédit Agricole l‘a souvent rappelé aux analystes qui suivent le titre. Signé en 2017 dans le cadre du rachat de Pioneer Investments, à l’époque gestionnaire d’actifs d’un UniCredit en proie à de grosses difficultés et en quête de moyens de consolider sa solvabilité, cet accord de distribution s’applique aux réseaux de clients particuliers d’UniCredit en Italie, en Allemagne et en Autriche. Il court jusqu’en juillet 2027.
Les rumeurs évoquant la volonté d’UniCredit, premier partenaire d’Amundi en Italie, de renégocier l’accord bien avant sa date d’expiration sont régulièrement revenues dans l’actualité. Ce n’est cependant pas un bruit de couloir mais une manouvre concrète du groupe financier transalpin qui a replacé son partenariat de dix ans avec Amundi dans la lumière. Ce lundi 25 novembre, UniCredit a mis plus de 10 milliards d’euros sur la table pour racheter la banque milanaise Banco BPM, qui elle-même a formulé, le 7 novembre 2024, une offre publique d’achat sur la société de gestion italienne indépendante cotée Anima, laquelle a été maintes fois associée à la piste d’une acquisition par Amundi par le passé.
L‘offensive d’UniCredit sur Banco BPM, critiquée par cette dernière ce mardi en raison du prix proposé, suscite des interrogations des investisseurs pour l’activité d’Amundi auprès de la clientèle de détail en Italie. Au point de faire décrocher l’action Amundi de 10,3% en deux séances, les 25 et 26 novembre, jusqu’à 60,15 euros, son point le plus bas depuis la mi-mars 2024. Ce mercredi, le titre reculait encore de 0,3% à 59,95 euros vers 11h20. L’OPE d’UniCredit a aussi poussé deux analystes, JPMorgan et BNP Paribas Exane, à dégrader Amundi de “surperformance” à “neutre”.
+Des effet négatifs anticipés sur les résultats d’Amundi+
Pour Angeliki Bairaktari, responsable de la recherche sur les actions financières diversifiées chez JPMorgan, l’offre d’UniCredit crée de l’incertitude sur le futur de l’accord de distribution avec Amundi. D’après la banque américaine, UniCredit compte pour environ 20% des résultats attendus en 2027 par la filiale du Crédit Agricole. Si l’analyste de JPMorgan juge “improbable” la fin de la relation entre UniCredit et Amundi après 2027, l’OPE, pour l’instant incertaine, en augmenterait la probabilité.
JPMorgan suggère qu’Amundi sera amené à proposer des rétrocessions de frais plus élevées au groupe financier italien lors de la renégociation de l’accord actuel. La banque alerte également sur un risque de décollecte plus profonde, une menace qui, combinée à des rétrocessions plus importantes, pourrait avoir un effet négatif de 12% sur les résultats d’Amundi attendus en 2027.
Contrairement à JPMorgan, BNP Paribas Exane juge l’arrêt de l’accord de distribution entre UniCredit et Amundi plus probable à la suite du mouvement du groupe italien. L’analyste Arnaud Giblat perçoit qu’un rapprochement entre UniCredit et Banco BPM, s’il devait se concrétiser, pourrait conduire à l’internalisation de certaines activités comme la gestion d’actifs.
Sur le sujet du devenir de la relation d‘UniCredit avec Amundi, le directeur général du groupe italien, Andrea Orcel, a affirmé, lundi 26 novembre, que cette relation était “solide”. Un propos repris par la société de gestion du Crédit Agricole, sollicité par L’Agefi. Amundi assure être confiant dans sa capacité à “continuer à accompagner de manière efficace l’ensemble de nos distributeurs et partenaires en produits d’épargne” à travers l’ensemble de ses solutions et services. L’accord, tel que formulé actuellement, ne devrait a priori pas être renégocié avant son expiration et UniCredit n’a, semble-t-il, pas l’intention de le dénoncer.
Le marché italien est à ce jour le deuxième plus important pour le gestionnaire d’actifs du Crédit Agricole, qui y gérait 202 milliards d’euros fin septembre 2024. Amundi y traverse une passe difficile, avec une décollecte nette de 4,3 milliards d’euros en 2023 qui se poursuit en 2024, avec 13,8 milliards d’euros de sorties nettes sur les neuf premiers mois. Ce dernier chiffre est néanmoins à relativiser puisque le gestionnaire d’actifs a subi la perte d’un mandat en gestion multi-actifs d’un assureur italien de 11,6 milliards d’euros au troisième trimestre 2024.
Lors de la présentation des résultats du dernier trimestre 2023, Valérie Baudson, directrice générale d‘Amundi, avait averti des difficultés à venir en 2024, entre autres en raison de la concurrence de l’émission d‘une nouvelle obligation souveraine italienne, un placement toujours prisé des particuliers locaux. Plus récemment, lors de la présentation des résultats du troisième trimestre 2024, Nicolas Calcoen avait rétorqué aux analystes que les sorties enregistrées en Italie n’étaient “pas spécifiques aux réseaux de ses partenaires”, dont UniCredit, et que la décollecte ne touchait pas qu’Amundi.
Le directeur général délégué d‘Amundi avait également affirmé qu’un éventuel rachat de Commerzbank - qui a ranimé une activité de gestion d’actifs à l’été 2023 avec la création de YellowFin Asset Management - par UniCredit, d‘actualité au moment de l’échange avec les analystes, n’aurait pas d’impact sur le contrat de distribution. Il suggérait que celui-ci avait été façonné de manière à être protégé et qu’il n’y avait pas d’expansion automatique à de nouveaux réseaux acquis par UniCredit. Ce qui sous-entend qu’il ne s’appliquerait pas à Anima si d’aventure la double opération UniCredit/BPM et BPM/Anima devait réussir.
+Accords majeurs à renégocier+
UniCredit essaye de rebâtir une activité de gestion d’actifs, sept ans après la cession de Pioneer à Amundi. Fin 2022, le groupe italien a confié à Azimut la création d’une société de gestion domiciliée en Irlande, Nova Investment Management, dans laquelle elle peut acquérir une participation majoritaire voire davantage d’ici 2027. La coentreprise, qui crée des produits d’investissement distribués sur les réseaux d’UniCredit en Italie sur une base non exclusive, est pour l’heure détenue intégralement par Azimut et représente quelque 20 milliards d’euros d’encours.
A l’automne 2023, Nicolas Calcoen rappelait, dans un entretien avec des analystes, qu’UniCredit était “totalement libre de s’organiser comme il le souhaite pour la partie qui ne figure pas dans notre accord de distribution, parce qu’encore une fois cet accord n’est pas exclusif”. “Il y a de la place pour une architecture ouverte ou une architecture interne et UniCredit est totalement libre de l’organiser”, disait-il.
L‘accord avec UniCredit n’est par ailleurs pas le seul sous les feux des projecteurs. Un partenariat de distribution similaire avec Banco Sabadell, conclu lors du rachat de Sabadell Asset Management par Amundi en 2020 et courant jusqu’en 2030, suscite l’attention des analystes, surtout si l’OPA de BBVA sur Sabadell parvenait à son terme. En mai 2024, le média économique espagnol El Confidencial avançait qu’il en coûterait 350 millions d’euros à BBVA pour rompre cet accord. Un montant que n’avait pas commenté Amundi à l’époque.
En attendant plus de clarté sur les opérations en cours en Italie et en Espagne, Amundi devra renégocier un autre accord de distributeur majeur qui s’achève en novembre 2025. A savoir celui avec la Société Générale, initié en 2009 et qui a été renouvelé en 2015 puis en 2020. Selon JPMorgan, cet accord compte pour environ 8% des résultats d’Amundi. “Les accords avec les autres banques ont une durée de vie limitée. Nous pensons que la perception des investisseurs a évolué ces dernières années vers un plus gros risque de disruption quand ces accords doivent être renégociés”, souligne Angeliki Bairaktari.
-Adrien Paredes-Vanheule, L’Agefi ; ed: JDO
Agefi-Dow Jones The financial newswire
(END) Dow Jones Newswires
L'auteur ou les auteurs ne possèdent pas de parts dans les titres mentionnés dans cet article. En savoir plus sur les politiques éditoriales de Morningstar.