PARIS (Agefi-Dow Jones)--Si les grandes valeurs de la cote ont toujours dicté l'évolution des marchés, l’ampleur du phénomène est devenue inquiétante. La performance du marché américain n’a jamais été aussi concentrée depuis la bulle des TMT (pour technologies, médias et télécommunications) de 2000 et les Nifty-fifty (les grandes valeurs américaines) des années 1970.
Malgré la participation plus large d’autres segments de la cote à la hausse de Wall Street ces dernières semaines, le marché reste vulnérable à la surreprésentation des Sept Magnifiques. Alphabet, Amazon, Meta, Apple, Nvidia et Tesla représentent 30% de la capitalisation de l’indice S&P 500 dans la performance de la Bourse américaine. Cette concentration des indices a aujourd’hui gagné d’autres zones géographiques. “Elle est également forte sur les marchés actions européens”, relève Catherine Garrigues, responsable de la gestion actions Europe Conviction chez Allianz GI.
Cela explique en grande partie la performance des places boursières de ce côté-ci de l‘Atlantique. L’écart (ou la sous-performance) de l’Europe par rapport au marché américain n’a jamais été aussi élevé (-20,5 points), mais la plupart des marchés affichent encore des gains depuis le début de l’année.
C‘est le cas de l’Allemagne. La première économie européenne vacille en raison de la crise du secteur automobile, de coûts de l‘énergie élevés et de la faiblesse de la demande chinoise. Trois piliers de son modèle de croissance. Après avoir échappé de justesse à la récession au troisième trimestre, les dernières enquêtes auprès des entreprises (PMI et Ifo) suggèrent que l’économie allemande reste au bord de la contraction. Mais le marché boursier renvoie une image toute différente. A Francfort, l’indice Dax 40 reste proche de son plus haut historique enregistré mi-octobre et affiche un gain de 15,6% depuis le début de l’année.
Gros contributeurs
Les cinq meilleures valeurs de l‘indice allemand contribuent à 45% de sa performance cette année. La plus importante vient de SAP, avec près de 15% de la performance annuelle du Dax et 60% de hausse depuis janvier. Cette entreprise mondiale, a notamment profité de l’engouement pour l’intelligence artificielle et la tech en général. “Siemens a profité de la thématique de l’électrification comme Schneider à la Bourse de Paris”, ajoute la gérante d’Allianz GI. L’assureur allemand Allianz, à l’instar de l’ensemble du secteur en Europe, est le troisième contributeur, suivi par Deutsche Telekom, qui est très présent sur le marché américain.
On y trouve donc tout sauf des valeurs purement domestiques. Pour cela, il faut descendre dans les capitalisations. Or l’indice MDax des valeurs moyennes allemandes accuse un retard de près de 19 points sur les grandes valeurs, avec une performance de -2,2% depuis janvier.
Cette concentration se retrouve sur les autres grands marchés boursiers européens. En Italie, où les banques (Unicredit et Intesa) mais aussi Ferrari ou Generali ont à eux seuls largement compensé les baisses d’Enel, d’Eni ou de Stellantis. A Milan, l’indice FTSE Mib 30 progresse de 9,5% cette année. Le top 5 des valeurs les plus performantes a contribué pour plus de la moitié à ces gains, dont un quart pour les deux grandes banques italiennes.
Le secteur bancaire italien a par ailleurs affiché une meilleure performance, à l‘instar du secteur bancaire espagnol, que l’ensemble des banques en Europe, grâce notamment à la structure de crédit à taux variable qui leur a permis de davantage profiter de la hausse des taux. La détente des spreads périphériques, l’écart de taux entre l’obligation souveraine à 10 ans du pays et celui du Bund allemand, a également soutenu le secteur.
La Bourse de Madrid a bénéficié de la progression de son secteur bancaire mais aussi d‘Inditex (+34% depuis janvier), la plus importante capitalisation de l’indice Ibex 35, avec 164 milliards d’euros. Cet indice rivalise avec le Dax 40 comme meilleur marché européen cette année. A une différence près: l’économie espagnole se porte bien.
Concentration et vulnérabilité
Si cette concentration a permis aux indices boursiers de réaliser une nouvelle bonne année, du moins pour les grandes capitalisations, le marché est aussi plus vulnérable. La correction cet été sur les valeurs technologiques américaines a reflété cette fragilité, de même que la volatilité du marché avant la publication des résultats de Nvidia.
“Les marchés européens ne sont pas dans la même configuration, nuance néanmoins Catherine Garrigues. Il y a moins de concentration dans la tech. Et l’impact de la concentration a été moins important sur les valorisations en Europe.” Le ratio de cours sur les bénéfices (le PER) de l’indice S&P 500 a augmenté d’une dizaine de points au cours des dernières années (à 26 fois) tandis qu’il reste à la moyenne sur les marchés européens (14 fois).
Toutefois, la contre-performance du CAC 40 souligne clairement la fragilité de ces marchés. L’indice phare de la Bourse de Paris affiche la seule baisse cette année parmi les grandes places boursières avec une performance négative de 4,4% (entre le 1er janvier et la clôture du 26 novembre). Il est affecté par la chute des valeurs du luxe.
Le marché français a aussi été chahuté par le risque politique et budgétaire après la dissolution et un parlement éclaté. Mais c’est la panne de ce secteur phare de la cote parisienne (à l’instar de la tech pour Wall Street), qui doit faire face à la baisse de la demande chinoise et digérer la croissance des dernières années, qui pèse le plus sur la Bourse de Paris.
Kering (-44% du 1er janvier au 26 novembre), L’Oréal (-26%) et LVMH (-18,5%) mais aussi Pernod Ricard (-35%) sont d’importants contributeurs à la baisse du marché parisien. Seul Hermès (+8%) résiste dans un secteur qui a fait ces dernières années la fortune de la Bourse de Paris. Mais la forte dépendance à quelques grandes capitalisations peut rapidement devenir un piège.
-Xavier Diaz, L’Agefi ; ed: JDO
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