Une nouvelle phase d’instabilité politique et de volatilité va-t-elle s’ouvrir pour les marchés financiers, en particulier la Bourse de Paris ?
Après des semaines de discussion sur le budget, le gouvernement Barnier a décidé de passer en force sur le vote du budget de la Sécurité Sociale pour 2025, risquant une motion de censure et sa destitution, faute d’un accord avec le Rassemblement National, le parti de Marine Le Pen.
La France pourrait se retrouver sans gouvernement, ouvrant une nouvelle période de volatilité sur les marchés financiers, à commencer par la Bourse de Paris déjà mal en point.
Depuis le début de l‘année, l‘incertitude politique en France a créé de la volatilité sur la dette française, le rendement à 10 des Obligations Assimilables du Trésor (OAT) ayant fortement progressé durant l’été avant de revenir vers des niveaux plus raisonnables, y compris ces derniers jours.
Malgré cela, l‘écart de rendement entre la dette émis par la France et celle de l’Allemagne, pays considéré comme l’émetteur le plus sûr de la zone euro, indique un regain de nervosité des investisseurs.
Selon Factset, l‘écart de rendement, ou “spread”, entre les deux Etats atteint 0,85% actuellement, contre 0,54% au lendemain de l‘annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale et 0,62% après les résultats du second tour des élections législatives.
Le spread France/Allemagne “pourrait atteindre 0,95% si les négociations sur le budget échouent. Nous voyons un niveau plus raisonnable autour de 0,70%-0,80%“, estiment les économistes de Morgan Stanley dans une note publiée mardi 3 décembre.
Le contexte : Barnier et le budget 2025
Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale décidée au lendemain des élections européennes, Emmanuel Macron, le Président de la République, a tergiversé tout l’été pour nommer un nouveau gouvernement. Le 5 septembre, Michel Barnier a été nommé premier ministre, et n’a eu que quelques semaines pour boucler un budget 2025, qui doit faire l’objet d’un vote à l’Assemblée nationale, et prévoit 60 milliards d’euros d’économies.
Au terme de débats houleux, Michel Barnier n’est pas parvenu à obtenir le soutien d’une majorité de députés à l’Assemblée nationale pour son projet de budget de la Sécurité Sociale, alors qu’il doit également faire voter le budget général dans les prochains jours.
Pourquoi l’usage de l’article 49.3 ?
Cet article permet au gouvernement de faire adopter un texte législatif s’il ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale.
Que va-t-il se passer ?
L’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution prévoit que « après délibération du conseil des ministres », le premier ministre peut « engager la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale » sur le vote de certains textes.
Depuis 2008, l’usage de cet article est limité à un seul texte de loi par session parlementaire, hormis les projets de loi de finances (PLF) et de financement de la sécurité sociale (PLFSS) qui sont actuellement débattus et devaient faire l’objet d’un vote.
Quels sont les conséquences politiques ?
Lorsque le gouvernement décide d’utiliser le « 49.3 », les députés peuvent déposer une motion de censure dans les 24 heures. Si elle est soutenue par la majorité de l’Assemblée, la loi est rejetée et le gouvernement tombe.
Le vote d’une motion de censure serait une première depuis 1962. Il ferait du gouvernement Barnier l’un des plus courts de l’histoire de la Vème République.
Si la motion n’est pas votée, la loi est adoptée et envoyée au Sénat. Elle revient à l’Assemblée pour une deuxième lecture. Le gouvernement peut à nouveau utiliser l’article 49.3.
Pourquoi est-ce important pour les marchés financiers ?
Les marchés financiers craignent l’instabilité et l’incertitude.
La perspective d’une chute du gouvernement Barnier entraînerait la France, deuxième économie de la zone euro, dans une nouvelle période d’incertitude sur le plan politique, à un moment où le pays doit fournir un effort très significatif pour réduire son déficit public afin de stabiliser le niveau de dette publique.
Comment la Bourse de Paris va-t-elle réagir ?
La perspective d’une hausse de la fiscalité a déjà beaucoup pesé sur la performance des actions françaises. L’indice Morningstar France a perdu 9% depuis l’annonce de la dissolution le 9 juin dernier.
L’absence de budget 2025 pourrait peser un peu plus à court terme, le temps de voir quelle solution technique serait retenue.
Les craintes principales pour les investisseurs serait un écartement supplémentaire des spreads entre l’OAT français et le Bund allemand.
Ceci signifie que l‘Etat français devra rémunérer davantage les investisseurs pour qu’ils achètent les titres de dette qu’il émet pour se financer. Une augmentation de la prime de risque sur la dette française aurait plusieurs conséquences :
- Regain de volatilité pour les actions françaises, notamment pour les banques et les assureurs qui sont de gros acheteurs de dette française.
- Craintes d’un effet de contagion à d’autres pays de la zone euro.
- Il est possible que les investisseurs commencent à envisager un scénario de crise systémique similaire à ce qui s’était passé dans la zone euro entre 2010 et 2012 et à s’interroger sur la possible intervention, ou pas, de la BCE.
Quel impact pour mes portefeuilles ?
Une nouvelle baisse des actions françaises pourrait survenir, dont l’ampleur dépendra de la tournure des prochains événements, notamment la capacité de la France à avoir un budget et à tracer une trajectoire claire de réduction des déficits publics.
L’écartement des spreads sur la dette française pénalisera les portefeuilles obligataires, mais il est surtout probable que plutôt que de vendre la dette française, les investisseurs internationaux n’en rachètent pas.
L’euro pourrait également pâtir de cette situation, alors qu’il est déjà sous pression depuis l’élection de Donald Trump.
Comment les investisseurs devraient-ils se comporter ?
Dans les phases de volatilité des marchés financiers, il ne faut jamais réagir de manière précipitée.
Au contraire, comme le rappelle Warren Buffett, les phases de volatilité peuvent offrir des opportunités pour acquérir des actifs de qualité à des prix raisonnables, voire bradés.
Pour les allocations d’actifs, il est donc important d’évaluer dans quelle mesure une phase de volatilité ou de crise financière n’offre pas l’opportunité de renforcer certaines positions en profitant de possibles situations de sous-évaluation accrue des marchés.
Nous avons récemment proposé une liste de fonds qui résistent mieux que leur comparables dans les phases de volatilité des marchés.
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