La résurrection boursière d’Euroapi prendra du temps

Dans six mois, Euroapi fêtera ses trois ans d’indépendance, mais surtout deux ans d’un chemin de croix boursier pour ses actionnaires.

Agefi/Dow Jones 06.12.2024
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eurofins laboratoire

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Anniversaire discret en perspective.

Dans six mois, Euroapi fêtera ses trois ans d’indépendance, mais surtout deux ans d’un chemin de croix boursier pour ses actionnaires.

Loin de savourer sa place de nouveau champion européen de la souveraineté sanitaire promise par son ancienne maison-mère Sanofi qui en détient encore 30%, le fabricant de principes actifs pharmaceutiques (API) est devenu l’emblème des scissions ratées avec un cours de Bourse divisé par trois depuis son introduction en Bourse.

Au bord du gouffre, le groupe a engagé cet été une vaste restructuration. Le marché en attend désormais les premiers effets. Sinon point de salut.

Après des débuts boursiers virevoltants (le cours a dépassé les 19 euros en octobre 2022), Euroapi s’est enfoncé dans la crise à une vitesse prodigieuse, alignant cinq avertissements sur résultats entre décembre 2022 et mars 2024. De quoi faire fuir les investisseurs et précipiter l’action à un plus bas de 2,26 euros en avril dernier, en baisse de plus de 80% par rapport son cours d’introduction de 12 euros en mai 2022.

Un enchaînement de problèmes

Plusieurs raisons expliquent l’ampleur du désastre. La conjoncture d’abord. Alors qu’Euroapi devait séduire une clientèle de laboratoires, rivaux de Sanofi, qui rechignaient à se fournir chez leur rival, la flambée soudaine de l’inflation a affecté la compétitivité du groupe français face à ses concurrents asiatiques. En parallèle, la hausse des taux a brutalement asséché le financement des biotechs, qui ont suspendu leurs commandes.

Une sorte de malchance ensuite. En décembre 2022, Euroapi est contraint de mettre à l’arrêt pendant plusieurs semaines son usine à Budapest qui fabriquait l’une des molécules vedettes, les prostaglandines, pour un problème de qualité. 18 mois plus tard, en mars 2024, l’usine italienne de Brindisi, qui produit principalement des anti-infectieux, subit le même sort. Elle ne reprendra son activité qu’au milieu de l'été.

Une mauvaise appréciation de la situation par Sanofi enfin, selon un gérant d’actifs: “Le géant pharmaceutique aurait laissé en héritage certains usines ou équipements insuffisamment rentables tout en réduisant plus rapidement que prévu ses commandes de principes actifs pour les prochaines années”.

Ces déconvenues ont notamment entraîné le limogeage en octobre 2023 du directeur général Karl Rotthier, remplacé début mars 2024 par un autre Belge, Ludwig de Mot, l’ancien patron du sucrier Tereos.

Confronté à une perte nette de 189,7 millions d’euros en 2023, le groupe a présenté en juin dernier un vaste plan de restructuration “Focus-27” visant à améliorer sa compétitivité, ce qui passe par une réduction de ses coûts, de ses effectifs et un recentrage sur ses productions les plus rentables. La société entend également vendre ses sites de production de Haverhill, au Royaume-Uni, et de Brindisi, en Italie, avant la fin de l’année 2027.

Sanofi en soutien

Surtout, Euroapi a obtenu le soutien de ses banques et de Sanofi, qui lui a notamment octroyé un investissement de 200 millions d’euros, soit quasiment sa capitalisation boursière de l'époque, via une obligation hybride subordonnée à durée indéterminée. De quoi repartir sur des bases plus saines.

A cet égard, les résultats annuels 2024 du groupe et des nouvelles sur l’avancée du plan “Focus 27” sont attendus avec intérêt le 3 mars prochain.

Pour 2024, Euroapi anticipe une baisse de son chiffre d’affaires comprise entre 8% et 11% à base comparable par rapport à 2023 où il avait atteint 1,01 milliard d’euros. En parallèle, la marge de “Core Ebitda” est attendue entre 4% et 7% en 2024, contre 9,2% en 2023 et 12,3% en 2022.

Le “Core Ebitda” d’Euroapi correspond au résultat opérationnel consolidé avant dépréciations et amortissements et hors coûts de restructuration, ces derniers étant estimés entre 110 millions et 120 millions d’euros entre 2024 et 2027.

Les analystes restent prudents

“Au-delà des performances financières, nous considérons que la confirmation de la cession du site de Haverhill, probablement au premier semestre 2025, constituerait une bonne nouvelle, ce site étant fortement sous-utilisé”, a commenté JPMorgan mardi. Dans ce cadre, l’intermédiaire financier, a relevé son objectif de cours de 3 euros à 3,50 euros tout en réitérant sa recommandation “neutre”.

La banque d’affaires motive sa prudence par une année 2025 qui s’annonce “de transition, avec un rebond limité des résultats”, soit une hausse d’environ 1% du chiffre d’affaires et une progression de 180 points de base de la marge de “Core Ebitda”.

Un point de vue partagé par Martial Descoutures d’Oddo BHF. “Le dossier est complexe. Euroapi est en pleine restructuration”, commente l’analyste.

Selon lui, “les résultats 2024 pourraient marquer un mieux même si le groupe restera encore pénalisé en 2025 par son programme de réorganisation stratégique Focus-27”.

“Euroapi devra démontrer au marché que son redressement est en marche et que le plan de restructuration porte ses fruits. Il est encore trop tôt pour juger et il faudra du temps au groupe pour regagner la confiance des investisseurs”, prévient Martial Descoutures.

Les perspectives encore incertaines d’Euroapi sont sans doute surveillées de près par Sanofi et par l’Etat, qui détient, à travers Bpifrance, 12% du capital du groupe. Cependant, Bercy a sans doute d’autres chats à fouetter actuellement...

-Pierre-Jean Lepagnot, Agefi-Dow Jones +33 (0)1 41 27 47 95; pjlepagnot@agefi.fr ed: JDO

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(END) Dow Jones Newswires


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