Avant même que François Bayrou n’ait prononcé son discours de politique générale, le 14 janvier dernier, les investisseurs lui faisaient parvenir un message on ne peut plus clair : si la situation budgétaire n’est pas clarifiée, la France pourrait voir ses perspectives économiques se détériorer davantage. Avec le risque que la deuxième économie de la zone euro tombe en récession.
Ces derniers jours, le rendement à 10 ans que les investisseurs demandent pour acheter la dette française a sensiblement augmenté : lundi 13 janvier, il atteignait 3,47% selon l’Agence France Trésor, contre 3,28% une semaine auparavant, dans un contexte de remontée mondiale des rendements des obligations souveraines.
« La remontée de tous les taux a eu un impact sur le taux de la dette française : les taux américains, mais également les taux allemands et les taux anglais ont joué leur part pour expliquer pourquoi les taux français ont monté », explique Marie-Anne Allier, gérante au sein de l’équipe taux chez Carmignac Gestion.
Les spécificités de la situation française et l’incertitude sur le budget restent néanmoins le facteur dominant pour expliquer la remontée plus rapide des taux ces derniers jours.
« La faiblesse et l’instabilité politique jouent certainement aussi un rôle dans la hausse des taux », ajoute la gérante.
Scepticisme croissant des investisseurs
A travers des rendements toujours plus élevés, « c’est plus une défiance ou une plus grande exigence des investisseurs qui s’exprime : des déficits qui augmentent un peu partout avec une incapacité à voir comment sortir de ce schéma de toujours plus de dettes, à un moment où les politiques « traditionnels » sont sous pressions des solutions plus populistes », précise Marie-Anne Allier
Alors que le budget 2025 de la France ne sera vraisemblablement pas voté avant plusieurs semaines, les investisseurs se montrent de plus en plus dubitatif dans la capacité du gouvernement français de maîtriser le déficit public.
Sur la base du dernier projet de loi de finances, le gouvernement prévoyait de ramener le déficit public entre 5% et 5,5% du PIB. Un objectif qui a fortement perdu en crédibilité.
Dans une note datée du 10 janvier, les économistes de Goldman Sachs s’attendent à ce que le déficit public de la France atteigne 5,7% cette année « si le gouvernement parvient à faire voter un budget ». « La principale raison est que Bayrou devra faire des concessions aux partis d’opposition », expliquent-ils.
Risque de récession dès 2025
Boucler rapidement un budget pour l’année n’est pas le seul défi que le gouvernement Bayrou doit relever.
L’incertitude politique depuis l’été dernier s’est traduite par un comportement d’épargne de précaution des ménages, qui pourrait perdurer si la situation du marché du travail venait à se détériorer.
Depuis la fin de l’été dernier, les plans sociaux se sont multipliés dans de nombreuses entreprises. La fin des programmes d’aide de l’Etat dans le cadre de la pandémie de COVID-19 contraignent des entreprises de petite taille à devoir rembourser des prêts de l’Etat, creusant un peu plus leur trésorerie.
« Les ménages anticipent une hausse du risque de chômage, désormais au-dessus de sa norme historique. L’incertitude causée par la dissolution de l’Assemblée nationale, la censure du gouvernement Barnier, l’absence de budget, les perspectives de hausse d’impôt fragilisent le tissu des PME (hausse des défaillances) et incite à repousser les recrutements », observe Bruno Cavalier, chef économiste chez Oddo BHF Securities.
« Au début de 2025, les ménages jugent donc que les opportunités à épargner restent élevées. La France a les symptômes d’une économie au bord de la récession », conclut Cavalier.
Pour l’heure, le consensus des économistes table sur une croissance qui ne croîtrait plus que de 0,8% en 2025 après +1,1% en 2024, selon le consensus établi par Factset.
Mais cette prévision repose sur une estimation d’une hausse de 0,8% de la consommation des ménages (après +0,8%) et une moindre contraction des investissements des entreprises (-1,1% en 2025 après -1,7% en 2024).
Or si les ménages français se montrent plus frileux à consommer, les entreprises, en particulier les TPE/PME hésiteront à investir. L’économie française pourrait ainsi perdre deux moteurs essentiels de sa croissance cette année.
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