Après plusieurs années de sous-performance et un mouvement de décollecte qui les a fortement pénalisées l’an dernier, les petites valeurs françaises vont-elles signer leur retour ?
L’incertitude pour l’heure demeure grande, en raison du contexte économique et politique incertain en France et en Europe. Toutefois, les valorisations des petites et moyennes valeurs poussent certains gérants à s’intéresser à la classe d’actifs.
« Depuis plusieurs années, notre fonds était plutôt concentré sur les grandes valeurs. Récemment, nous avons commencé à accroître de façon sélective la part des petites et moyennes valeurs dans notre fonds, considérant qu’elles offrent un bon gisement d’opportunités », souligne Fong Sengsiry, gérante du fonds Groupama Actions France, noté Bronze par Morningstar.
Profits et multiples boursiers mieux orientés ?
Pour que la classe d’actifs surperforme plus durable, il faudra que non seulement les multiples de valorisation mais également les bénéfices de ces entreprises progressent plus rapidement.
Or si « les prévisions pour 2025 et 2026 reflètent une dynamique générale plus positive pour les smallcaps que sur 2023 et 2024, avec une hausse attendue des BPA de respectivement 13,2% et 12,2% », un risque de révision en baisse de ces prévisions ne peut être écarté, estime la banque Oddo BHF dans une étude publiée le 23 janvier.
Les multiples boursiers pourraient-ils jouer un rôle moteur plus important à la performance de la classe d’actifs ? Rien n’est moins sûr.
Les multiples de valorisation des petites valeurs françaises sont historiquement décotés par rapport aux grandes valeurs, mais « le contexte de marché demeure fragile et les conditions pour que les petites capitalisations surperforment de nouveau les grandes capitalisations ne semblent pas pour l’instant encore totalement réunies », indique Oddo BHF.
Parmi ces conditions figurent notamment un retour des flux vers les fonds de petites valeurs et une remontée des multiples qui reflète un potentiel de croissance plus soutenu.
La décollecte a fortement pesé
La contre-performance des petites valeurs et l’incertitude politique ont provoqué un mouvement de défiance des investisseurs qui s’est manifesté par une décollecte pour les fonds de la catégorie Actions France Petites et moyennes valeurs.
« Pour la quatrième année consécutive, les valeurs moyennes, pénalisées par leur faible liquidité et leur plus grande dépendance à la conjoncture française, ont sous-performé les grandes valeurs », rappelle pour sa part le courtier Gilbert Dupont dans une étude publiée début janvier.
Sur la petite centaine de fonds agréés à la vente en France, qui représentaient 6,2 milliards d’euros d’actifs sous gestion fin 2023, les retraits ont atteint 527 millions d’euros. Fin 2024, les actifs sous gestion n’étaient plus que de 5,3 milliards d’euros, la différence sur un an s’expliquant par les retraits et l’effet marché.
Là encore, l’espoir est celui d’une stabilisation avant un rebond qui pourrait se matérialiser dès cette année, grâce notamment à l’arrivée d’investisseurs institutionnels.
« Nous observons une stabilisation de la collecte depuis peu, note Saad Benlamine. La classe d’actifs devrait également bénéficier d’un regain d’intérêt institutionnel, avec le lancement par la CDC d’un fonds de fonds de petites valeurs doté de 500 millions d’euros qui seront progressivement investis dans les 12 à 18 prochains mois. »
Des performances inégales chez les gérants
Encore faut-il que les gérants actifs soient en mesure d’apporter de la valeur aux investisseurs. Or dans un contexte de marché défavorable, les performances des gérants de petites et moyennes valeurs françaises n’ont pas toujours été à la hauteur.
Rares sont ceux qui ont réussi à tirer leur épingle du jeu, certains bénéficiant entre autres de nombreuses opérations de rachats de sociétés, parfois avec l’intention, pour leurs fondateurs ou actionnaires de référence, de les retirer de la cote.
Ce mouvement d’opérations sur le capital de petites sociétés devrait se poursuivre si les multiples de valorisation en se redressent pas.
« Le mouvement des rachats de petites valeurs françaises ou de retrait de la cote ne nous semble pas terminé étant donné le niveau de valorisations actuel, en particulier si le ‘derating’ observé récemment se poursuit en 2025 », estime Saad Benlamine.
Contrairement aux grandes valeurs, « les petites valeurs ont eu du mal à attirer le même niveau d’intérêt et de collecte, en partie à cause de leur sensibilité plus élevée aux fluctuations économiques, à leur volatilité et à leur taille », écrivent les analystes de la banque Jefferies dans une note datée du 13 janvier.
Ils estiment toutefois que c’est lorsque les écarts de valorisation entre grandes et petites valeurs deviennent extrêmes que les phases de rebond peuvent survenir.
Cela fut par exemple le cas après la crise financière de 2008, puis en novembre 2014, en juin 2016 ou en mars 2020.
Au-delà d’un rebond des valorisations et d’un contexte politique qui enfin se stabiliserait, la classe d’actifs pourrait aussi bénéficier d’une évolution de la réglementation qui lui soit favorable.
Comme le notait récemment Jean-François Delcaire, gérant du fonds HMG Découvertes (noté Silver par Morningstar), plusieurs éléments comme les changements apportés au dispositif PEA-PME, qui élargit l’univers d’investissement, ou les mouvements de concentration dans l’industrie de la gestion d’actifs pourraient contribuer à faire revenir les investisseurs vers une classe d’actifs longtemps délaissée.
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