Saint-Gobain a publié ses résultats annuels le 27 février dernier. Que fallait-il en retenir et quelles conclusions en tirer pour l’investisseur ? Voici les éléments de réponse de notre analyste, Matthew Donen.
Indicateurs clefs de Morningstar pour Saint-Gobain SGO
Analyst: Matthew Donen, CFA
- Economic Moat: None
- Fair Value Estimate: €83
- Morningstar Uncertainty Rating: High
- Morningstar Rating: ★★
Saint-Gobain Stock vs. Morningstar Fair Value Estimate
Source: Morningstar Direct. Data as of Feb. 28, 2025.
Saint-Gobain a annoncé une augmentation de 3 % de son BPA ajusté au cours de l’exercice 2024, dépassant largement le consensus FactSet de 10 %.
Pourquoi est-ce important ? Saint-Gobain poursuit le processus d’ajustement de son portefeuille, en se séparant des activités de distribution à faible marge pour financer les acquisitions d’entreprises de matériaux de construction et de produits chimiques pour la construction à plus forte marge.
- Saint-Gobain a annoncé une amélioration de 40 points de base de sa marge d’exploitation, qui s'établit désormais à 11,4 %, un record pour le groupe.
- L’amélioration de sa rentabilité a permis de compenser une baisse de 3,6 % de son chiffre d’affaires organique au cours de l’exercice 2024, due à une baisse de l’activité dans le secteur de la construction dans un contexte de hausse des taux d’intérêt.
Conclusion : nous augmentons notre estimation de la juste valeur de 14 % à 83 euros pour Saint-Gobain, qui n’a pas de barrière à l’entrée. Nous considérons toujours que les actions sont légèrement surévaluées.
- Nous avons relevé notre marge d’EBIT moyenne à 12 % au cours de notre période de prévision de cinq ans. Nous pensons que l’objectif de marge d’EBIT de la direction, compris entre 9 % et 11 %, est prudent, compte tenu de l'évolution de son portefeuille de produits.
- Néanmoins, nous pensons que les investisseurs ne tiennent pas totalement compte des risques liés à la stratégie d’acquisition de Saint-Gobain, ainsi que des perspectives moroses de l’activité de construction en Europe.
Quelles perspectives ? Saint-Gobain organise une journée investisseurs en octobre, qui est largement considérée comme une opportunité pour la direction d’améliorer ses prévisions à moyen terme, au-delà de 3 à 5 % pour le chiffre d’affaires organique et d’une marge d’EBIT comprise entre 9 et 11 %.
Données financières clefs : La baisse du chiffre d’affaires organique s’explique par une diminution de 3,0 % des volumes et de 0,6 % des prix. Le chiffre d’affaires s’est amélioré au second semestre, mais est resté négatif.
- La direction a indiqué que sa marge d’EBIT devrait rester supérieure à 11 %.
- Saint-Gobain a réalisé quatre acquisitions stratégiques au cours des 12 derniers mois, pour un montant de plus de 5 milliards d’euros.
Pourquoi nous avons relevé notre estimation de juste valeur ?
Notre estimation de la juste valeur de Saint-Gobain est de 83 euros. Nous pensons que les acquisitions de CSR et de Fosroc, qui génèrent des marges plus élevées, justifient une marge d’EBIT à moyen terme de 12 %, ce qui dépasse l’objectif de la direction qui se situe entre 9 % et 11 %. Notre estimation de la juste valeur implique un multiple de 12 fois le ratio cours/bénéfice sur le BPA 2024.
Nous prévoyons une croissance annualisée du chiffre d’affaires de 4 % sur la période de prévision, dont 1 % provenant des acquisitions déjà annoncées.
Les moteurs de croissance à plus long terme incluent une augmentation de l’activité de rénovation, stimulée par des réglementations strictes visant à améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments.
La contribution croissante du chiffre d’affaires réalisé avec les produits chimiques pour la construction bénéficie également de l’augmentation des projets d’infrastructure et de la croissance séculaire de la décarbonisation du secteur de la construction. Nous ne prévoyons pas de reprise significative des volumes en Europe à court terme.
Une marge d’exploitation qui s’améliore
La cession de ses activités de distribution à faible marge et l’acquisition d’activités de produits chimiques pour la construction à plus forte marge permettront au groupe d’augmenter structurellement ses marges d’EBIT.
Nous prévoyons une marge d’EBIT moyenne de 12,1 % au cours de notre période de prévision de cinq ans, ce qui est supérieur à l’objectif de la direction de 9 à 11 %. Nous pensons que la journée des marchés des capitaux du groupe en 2025 pourrait voir le groupe revoir ses objectifs de marge d’EBIT.
Nous prévoyons 400 millions d’euros de rachats d’actions au cours de l’exercice 2025. Nous ne modélisons pas les rachats futurs, mais nous pensons que le bilan offre une marge de manœuvre suffisante pour le faire.
Rempart concurrentiel de Saint-Gobain
Nous n’accordons pas de rempart concurrentiel à Saint-Gobain.
Suite à la crise financière mondiale, l’entreprise a eu du mal à atteindre son coût du capital de 8 %.
Les rendements ont été corrélés à l’environnement économique, où ils sont principalement influencés par l’activité de construction en Europe.
Environ 85 % des ventes de l’entreprise sont destinées aux marchés hautement cycliques et concurrentiels liés à la construction, ce qui, ajouté à la forte intensité capitalistique des activités, rend l’entreprise sensible aux cycles économiques.
Nous reconnaissons la forte position de l’entreprise sur le marché dans certaines régions, mais nous ne voyons pas cela se traduire par une source de protection identifiable, qui puisse fournir des rendements économiques durables.
Cela est notamment dû à la nature banalisée de ses produits et à ses méthodes de fabrication standardisées, qui ne se traduisent pas par un avantage unique et durable en termes de coûts ou de pouvoir de fixation des prix. Si Saint-Gobain a réussi à améliorer le profil de marge du groupe, cela s’est fait principalement par une série de mesures de gestion de portefeuille, plutôt que par un avantage concurrentiel durable.
Risque et incertitude de l’action Saint-Gobain
Nous attribuons à Saint-Gobain une note d’incertitude Morningstar élevée.
Environ 87 % des ventes de l’entreprise sont destinées au secteur de la construction, très cyclique et concurrentiel.
Par conséquent, la demande pour les produits de l’entreprise est largement déterminée par des facteurs indépendants de sa volonté, tels que les conditions macroéconomiques et l’environnement politique d’une région, Saint-Gobain étant principalement axée sur la situation en Europe.
À cela s’ajoute un processus de production à forte intensité de capital et d'énergie (notamment dans la production de verre), qui nécessite un taux d’utilisation supérieur à 75 % pour qu’une usine devienne rentable.
Cette dynamique contribue à un comportement hautement concurrentiel afin d’atteindre la croissance nécessaire du volume des ventes pour couvrir l’importante base de coûts fixes de l’entreprise et réaliser des économies d'échelle.
D’un point de vue environnemental, social et de gouvernance, nous signalons la gouvernance des produits comme un risque moyen. Tout défaut dans la vaste gamme de produits de Saint-Gobain, qui sont utilisés dans les bâtiments ainsi que dans les applications automobiles, peut entraîner des dommages potentiels au bâtiment, nuire aux occupants et entraîner des poursuites judiciaires et des amendes.
Saint-Gobain a été impliqué dans une controverse importante sur la sécurité des produits en raison de son rôle présumé dans l’incendie de la tour Grenfell à Londres en 2017. Plusieurs règlements conclus ont été payés en totalité, mais il n’est pas certain que d’autres responsabilités devront être engagées.
Solidité financière de Saint-Gobain
Une combinaison de cessions et d’améliorations du fonds de roulement par la décentralisation a contribué à assurer la bonne santé du bilan de Saint-Gobain malgré les acquisitions importantes de CSR, Chryso et GCP Applied Technologies, qui ont chacune atteint un prix supérieur à 1 milliard d’euros.
Le ratio dette nette (hors dettes de location) sur EBITDA de 1,1 fois à l’exercice 2024 est inférieur à l’objectif du groupe de 1,5 à 2,0 fois, ce qui laisse de la marge pour de nouvelles acquisitions ou des retours de capital.
Saint-Gobain a achevé son programme de rachat d’actions de 2 milliards d’euros avec un an d’avance sur le calendrier prévu.
Le bilan offre une marge de manœuvre suffisante pour de nouveaux retours de capital aux actionnaires.
Cet article a été compilé par Jocelyn Jovène.
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