Avec la multiplication des fonds européens d’investissement à long terme, les investisseurs européens ont davantage de possibilités d’accéder à des stratégies de marché privé qui étaient auparavant hors de portée des particuliers.
Toutefois, les fonds du marché privé ne sont pas tous créés de la même manière.
Les investisseurs qui envisagent d’opter pour un ELTIF doivent d’abord s’assurer qu’ils comprennent ces questions clés :
- Quelles sont les restrictions concernant les retraits d’argent ?
- Combien le fonds facture-t-il aux investisseurs ?
- Quelle est l’expérience du gestionnaire sur les marchés privés ?
- Le gestionnaire gère-t-il bien l’argent des investisseurs ?
Voici un examen plus approfondi de ces considérations.
Quelles sont les dispositions relatives à la liquidité ?
Les ELTIF sont nettement moins liquides que les fonds actions ou d’obligations traditionnels.
Les actifs privés - qu’il s’agisse de participations dans des sociétés privées, de prêts ou d’actifs réels tels que des bâtiments ou des infrastructures - prennent du temps à acheter et à vendre.
C’est la raison pour laquelle de nombreux fonds du marché privé (et tous les fonds ELTIF selon le cadre réglementaire original ELTIF 1.0) sont structurés comme des véhicules à capital fixe qui conservent le capital investi pendant un certain nombre d’années. Toutefois, la réglementation ELTIF 2.0 permet aux ELTIF d'être structurés comme des fonds ouverts (fonds dits “evergreen”), avec la possibilité d’investir ou de rembourser le capital sur une base continue.
Les structures Evergreen constituent un segment en forte croissance de ce marché, car elles s’intègrent facilement dans les portefeuilles aux côtés des fonds ouverts traditionnels. Mais les investisseurs doivent lire les petits caractères pour s’assurer qu’ils comprennent les dispositions relatives à la liquidité. En règle générale, il est possible d’investir dans des ELTIF evergreen à des intervalles allant d’une fois par mois à une fois par trimestre, tandis que les retraits sont plus limités (parfois une seule fois par an) et requièrent une période de préavis.
Même dans ce cas, il n’y a aucune garantie que les investisseurs auront accès à leur capital lorsqu’ils le demanderont. En effet, les retraits sont généralement limités à une certaine fraction du volant de liquidités de chaque fonds, qui correspond à la partie du portefeuille - généralement autour de 20 % - non investie dans des actifs à long terme.
Si les demandes de rachat dépassent les liquidités disponibles, elles ne peuvent être honorées, ce que l’on appelle un “gating event”.
Les “fund gatings” ne sont pas rares sur les marchés privés.
Par exemple, le gestionnaire de marché privé Blackstone a été contraint de limiter les rachats de son fonds immobilier permanent BREIT, domicilié aux États-Unis, pendant plus d’un an entre la fin de 2022 et le début de 2024.
Les investisseurs doivent donc non seulement s’assurer qu’ils sont informés des politiques d’achat et de rachat du fonds, mais aussi se demander s’ils sont prêts à supporter une période prolongée sans accès à leur capital investi.
Même si la réponse est positive, les fonds ELTIF sont probablement mieux adaptés pour jouer un rôle limité (moins de 10 %) au sein d’un portefeuille diversifié.
Quel est le montant des frais que je devrai payer ?
Les investisseurs qui achètent un ELTIF devront généralement faire face à des frais plus élevés et à une structure de coûts plus complexe que ceux imposés par les fonds communs de placement ou les ETF traditionnels. Cela n’est pas très surprenant, étant donné que les normes de tarification pour les véhicules fermés du marché privé (même ceux qui sont commercialisés auprès des investisseurs institutionnels) restent élevées par rapport aux fonds du marché public.
En plus des frais de gestion et de la rétrocession occasionnelle (également habituelle pour l’achat de fonds communs de placement), l’investisseur doit assumer tous les frais de fonctionnement, tels que les frais d’administration, de garde et d’audit.
Ces frais ne sont pas négligeables, d’autant plus que de nombreux gestionnaires font appel à des sociétés tierces pour procéder à l'évaluation des portefeuilles. Si l’ELTIF est un fonds de fonds, cela implique généralement une deuxième couche de frais en plus de la commission de gestion du fonds. Idéalement, les investisseurs devraient se renseigner sur les coûts des actifs sous-jacents du portefeuille afin d’avoir une idée plus précise de ce qu’ils paient réellement.
Les commissions de performance peuvent s’avérer très délicates. Alors qu’elles sont devenues moins courantes pour les fonds communs de placement, la facturation d’un “carried interest” (un pourcentage des gains réalisés) reste la norme pour les fonds du marché privé, y compris les ELTIF.
D’après notre analyse, le fonds ELTIF à durée indéterminée type perçoit chaque année environ 10 % de toute surperformance supérieure à un taux de rendement minimum donné. Ces Taux de rendement minimum sont généralement statiques et se situent entre 5 et 8 %.
C’est moins cher que la structure traditionnelle “2 et 20” courante pour les fonds de capital-investissement (2% de frais de gestion et 20% de frais de performance). Néanmoins, les taux de rendement statiques sont moins favorables aux investisseurs que les taux de rendement relatifs aux indices de référence, plus courants sur le marché des fonds communs de placement, qui ne récompensent les gestionnaires que lorsqu’ils obtiennent de meilleurs résultats que le marché en général.
Les investisseurs doivent se méfier de certains des modèles de tarification les plus flagrants qui émaillent le paysage des ELTIF. Nous recommandons de se tenir à l'écart des fonds qui facturent des commissions de performance sur le rendement de chaque investissement individuel dans le fonds (ce que l’on appelle le “deal-by-deal carry”) plutôt que sur le rendement du portefeuille global.
Cette structure permet aux gestionnaires d’imposer théoriquement des commissions de performance, même au cours des années où le fonds global a sous-performé. Les investisseurs doivent également être attentifs aux frais de souscription uniques ou aux “frais de création d’actions”, qui semblent plus fréquents dans les fonds ELTIF que dans les fonds communs de placement traditionnels.
Le gestionnaire d’actifs dispose-t-il de l’expertise et des ressources nécessaires ?
L’engouement pour les produits des marchés privés augmentant chaque jour, il est important de déterminer si l'équipe d’investissement d’un ELTIF possède l’expérience, l’expertise et le réseau nécessaires pour mettre en œuvre efficacement la stratégie.
Plus une équipe est établie, plus elle est susceptible d’entretenir des relations solides avec des partenaires généraux (ce qui élargit l’accès des gestionnaires à des opportunités telles que les co-investissements en capital-investissement) ou de disposer d’une marque de confiance dans un segment de marché cible (ce qui est important si le gestionnaire est à l’origine de transactions).
Recherchez un gestionnaire d’actifs qui s’enorgueillit de disposer d’une équipe interne d’investissement sur le marché privé ou qui confie la gestion de ses fonds sur le marché privé à un sous-conseiller de grande qualité possédant une expertise dans ce domaine.
Lorsqu’elles sont bien exécutées, les fusions peuvent être bénéfiques à la fois pour les entreprises et pour les investisseurs, mais elles comportent de nombreux risques. S’il existe un conflit de culture entre les équipes d’investissement, les tentatives de fusion peuvent avoir un impact sur le moral des équipes et entraîner des départs.
De plus, avec un nombre croissant de gestionnaires d’actifs traditionnels en concurrence pour les mêmes cibles d’acquisition de marchés privés, le risque qu’une société acquéreuse surpasse le prix d’une transaction ou se contente d’une cible de moindre qualité augmente également.
Par conséquent, les investisseurs devraient faire preuve d’une diligence accrue lorsqu’ils envisagent d’investir dans des ELTIF gérés par des équipes issues de fusions récentes, car il faut parfois attendre un an ou plus pour évaluer le succès de telles opérations.
Le gestionnaire de fonds a-t-il mes intérêts à cœur ?
Étant donné la nouveauté du marché des ELTIF, les investisseurs ne peuvent pas examiner les antécédents des gestionnaires pour évaluer leurs capacités. Mais comme pour tout investissement dans un fonds, ils peuvent augmenter leurs chances de réussite en s’en tenant à des gestionnaires qui ont toujours privilégié le rendement à long terme des investisseurs par rapport aux profits à court terme.
La note Morningstar “Parent Pillar Rating”, une composante de notre “Medalist Rating” pour les fonds, constitue un bon guide pour trouver de tels gestionnaires.
Grâce à cette mesure, nous tentons d’identifier les gestionnaires d’actifs qui sont de bons intendants du capital des investisseurs. Cela inclut des qualités telles que le maintien d’une culture d’investissement forte, le lancement de fonds uniquement dans les domaines où les sociétés ont une expertise plutôt que de sauter sur les tendances du marché, l’application de stratégies de tarification raisonnables et la fermeture de fonds lorsqu’ils deviennent limités en capacité afin de protéger les rendements pour les investisseurs existants.
En outre, recherchez des gestionnaires de fonds ELTIF qui mettent l’accent sur la transparence et l'équité dans leurs politiques. Il s’agit notamment de disposer d’un cadre clair pour la répartition des transactions entre tous les fonds de la société, afin de s’assurer que les investissements privés les plus lucratifs ne sont pas orientés vers certains fonds et non vers d’autres.
Il s’agit également de disposer d’un système solide d'évaluation des actifs du portefeuille. Idéalement, les sociétés de fonds devraient faire appel à des services d'évaluation externes pour garantir l’objectivité et soumettre leurs processus d'évaluation à des audits réguliers.
Enfin, il est généralement de bon augure que le gestionnaire d’un fonds ELTIF soit personnellement investi dans le véhicule, ce qui signifie qu’il “mange sa propre cuisine”.
L'auteur ou les auteurs ne possèdent pas de parts dans les titres mentionnés dans cet article. En savoir plus sur les politiques éditoriales de Morningstar.