Morningstar DBRS a abaissé à « négative » la perspective de la note de crédit de la France

L’agence de notation confirme les notations à AA (élevé) de la deuxième économie de la zone euro.

24.03.2025
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Francia

DBRS Ratings GmbH (Morningstar DBRS) a abaissé la tendance de la note de crédit de la République française en devises étrangères et locales à long terme de stable à négative, et a confirmé les notations à AA (élevé).

Morningstar DBRS a également confirmé les notations de la France en devises étrangères et locales à court terme, qui restent à R-1 (élevé).

La tendance de toutes les notations à court terme reste stable.

Les raisons de l’abaissement des perspectives

Le passage de la tendance de Stable à Négative reflète l’opinion de Morningstar DBRS sur les risques d’exécution plus élevés concernant la capacité de la France à réduire son important déficit budgétaire et son ratio d’endettement public élevé dans les années à venir, notamment en raison de la hausse des frais d’intérêt de la dette.

L’augmentation des dépenses de défense pourrait également exercer une pression à la hausse sur le déficit budgétaire à moyen terme.

La réalisation de résultats budgétaires et de dette proches des prévisions du Programme de stabilité (octobre 2024), y compris un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB en 2029, nécessite des ajustements budgétaires supplémentaires importants.

L’objectif de déficit de 3 % de la France a été reporté de 2027 à 2029, et les objectifs budgétaires ont été révisés pour 2024, le déficit étant actuellement estimé à environ 6 %, contre 4,4 % prévu dans la loi de programmation budgétaire pluriannuelle de la France pour 2023-27 (décembre 2023) et 5,1 % dans son programme de stabilité d’avril 2024.

La France affiche actuellement l’un des déficits budgétaires les plus importants de la zone euro.

En raison de la composition fragmentée de l’Assemblée nationale, le budget 2025 de la France a été adopté en février 2025 au lieu de la fin de l’année 2024.

De lourds efforts de réduction des déficits publics attendus

Le budget 2025, qui prévoit des économies de dépenses mais aussi des mesures fiscales supplémentaires temporaires, vise un déficit de 5,4 % du PIB cette année, contre 5 % dans le programme de stabilité à moyen terme et 4,1 % dans le programme de stabilité d’avril 2024.

Les mesures d’assainissement budgétaire structurel nécessaires dans les années à venir pour atteindre les objectifs du programme de stabilité à moyen terme seront donc importantes.

Le ratio dette/PIB de la France devrait rester plus élevé plus longtemps à moyen terme en raison d’un assainissement budgétaire plus progressif que prévu, contribuant à la croissance continue des charges d’intérêts.

Le ratio de la dette devrait se maintenir autour de 116 % jusqu’en 2029, conformément au programme de stabilité de la France, contre 112,7 % en 2024, selon la loi de finances de la France pour 2025.

Selon le Fonds monétaire international, les charges d’intérêts devraient augmenter pour atteindre 2,6 % du PIB en 2027, contre 1,3 % en 2020, contre 2,0 % en 2027 pour la zone euro, contre 1,4 % en 2020.

Les notations de crédit de la France restent soutenues par la richesse et la diversification de son économie, la solidité de ses institutions publiques et la bonne gestion de sa dette. La France est un membre essentiel de la zone euro et les risques de stabilité financière sont maîtrisés.

L'économie a fait preuve de résilience lors des crises passées, en partie grâce à une protection sociale solide. Néanmoins, le pays affiche le plus haut niveau de dépenses publiques par rapport au PIB parmi les économies avancées, ce qui s’est historiquement avéré difficile à réduire, rendant le rééquilibrage budgétaire plus difficile.

Les éléments fondamentaux de la notation

Les notations pourraient être abaissées si les déséquilibres budgétaires ne sont pas corrigés à moyen terme, par exemple si les objectifs budgétaires actuels ne sont pas atteints ou si des ajustements budgétaires supplémentaires ne sont pas effectués ; ou si l’environnement politique affaiblit sensiblement l’efficacité de la politique économique du gouvernement.

Les notations pourraient être relevées si le gouvernement améliore structurellement sa situation budgétaire et parvient à réduire de manière significative son ratio d’endettement. La tendance pourrait redevenir stable si les résultats budgétaires et de la dette sont meilleurs que prévu et si le gouvernement procède à des ajustements supplémentaires pour garantir que les objectifs budgétaires à moyen terme peuvent être atteints.

Les raisons de la notation de la France

Une dette publique élevée et des frais d’intérêt croissants atténués par une gestion rigoureuse de la dette publique.

Les différents chocs de ces dernières années ont entraîné une forte augmentation du poids de la dette publique française.

Le ratio dette/PIB est passé de 98,1 % en 2019 à 114,8 % en 2020, en raison de l’augmentation de l’encours de la dette et de la baisse du PIB due à la pandémie.

Malgré la reprise économique, le ratio de la dette publique française est resté élevé, bien qu’il soit en baisse à 109,9 % en 2023.

En raison du déficit budgétaire important prévu l’année dernière, le ratio dette/PIB devrait à nouveau augmenter pour atteindre 112,7 % en 2024.

Le programme de stabilité de la France prévoit que ce ratio augmentera pour atteindre environ 116 % en 2027, puis diminuera progressivement pour atteindre 113 % d’ici 2031. Le ratio d’endettement élevé du pays reste une vulnérabilité pour la France car il l’expose à des taux d’intérêt plus élevés lors du refinancement. Selon le Fonds monétaire international, les frais d’intérêt devraient passer de 1,3 % en 2020 à 2,6 % en 2027.

Une bonne gestion de la dette

La France continue de bénéficier de sa très bonne gestion de la dette.

L'État a profité des conditions de financement favorables avant le resserrement monétaire de la Banque centrale européenne pour allonger la maturité moyenne de sa dette négociable, qui s'établissait à 8,5 ans à fin janvier 2025, assurant ainsi un report progressif de la hausse des taux vers une augmentation des coûts de financement.

Ces caractéristiques, ainsi que la base d’investisseurs importante et diversifiée de la France, la forte demande des investisseurs et la liquidité de sa dette, soutiennent l’ajustement qualitatif positif de Morningstar DBRS pour l'évaluation du pilier « Gestion de la dette et liquidité ».

Néanmoins, Morningstar DBRS surveillera l'évolution du coût de financement relatif de la France par rapport à ses pairs de la zone euro.

Une consolidation budgétaire retardée et toujours soumise à certains risques d’exécution

Malgré la suppression des mesures de soutien exceptionnelles, le déficit budgétaire actuel de la France reste bien supérieur au déficit budgétaire moyen de 2,7 % du PIB prévu pour la période 2017-2019.

Ces dernières années, l’assainissement budgétaire a été retardé. En 2023, le déficit budgétaire de 5,5 % du PIB était supérieur à la dernière estimation du gouvernement de 4,9 % du PIB, principalement en raison de recettes fiscales plus faibles que prévu, tandis que les mesures de soutien liées à l’inflation continuaient de peser sur le solde budgétaire.

Les ajustements comptables liés au passage des comptes nationaux à la base 2020 ont également eu un impact négatif sur le déficit de 2023, à hauteur d’environ 0,15 % du PIB. Pour 2024, un déficit budgétaire d’environ 6 % du PIB est attendu, contre 4,4 % prévus dans la loi de programmation budgétaire pluriannuelle de la France pour 2023-27 (décembre 2023) et 5,1 % dans son programme de stabilité d’avril 2024.

Le programme de stabilité de la France prévoit un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB en 2029, mais la fragmentation politique accrue de l’Assemblée nationale depuis les élections législatives anticipées de juillet 2024 pourrait entraver une action budgétaire décisive du gouvernement dans les années à venir.

En outre, le contexte géopolitique international et l’environnement commercial pourraient également poser certains risques d’exécution quant à la capacité de la France à réaliser l’assainissement budgétaire.

Le budget 2025 de la France, qui prévoit des économies de dépenses mais aussi des mesures fiscales supplémentaires temporaires, vise un déficit de 5,4 % du PIB cette année, contre 5 % dans le programme de stabilité à moyen terme et 4,1 % dans le programme de stabilité d’avril 2024.

Les efforts d’assainissement budgétaire structurel nécessaires dans les années à venir pour atteindre les objectifs du programme de stabilité à moyen terme sont donc importants, à commencer par le budget 2026. Le programme de stabilité prévoit un déficit budgétaire de 4,6 % du PIB en 2026. Morningstar DBRS comprend que le gouvernement prend actuellement des mesures pour améliorer le suivi et la gestion de ses finances publiques.

La fragmentation politique reste un enjeu à court terme

La France bénéficie d’indicateurs de gouvernance très élevés, mais une fragmentation et une polarisation politiques plus importantes pourraient continuer à poser des difficultés pour la définition de la politique économique et budgétaire

Les notations de crédit de la France sont soutenues par une grande force institutionnelle et de très bons indicateurs de gouvernance, notamment l'État de droit.

Le président Macron a été réélu en avril 2022 après avoir battu Marine Le Pen du Rassemblement National avec une marge plus étroite qu’en 2017.

Bien que la coalition au pouvoir ait perdu sa majorité absolue lors des élections législatives de juin 2022, le gouvernement s’est réengagé dans son programme de réformes, y compris la réforme des retraites adoptée en mars 2023.

Cependant, les élections législatives anticipées de juillet 2024 ont reflété la fragmentation politique croissante et la polarisation de l'électorat français.

Le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier est tombé à la suite d’un vote de défiance à l’Assemblée nationale le 4 décembre 2024. Il s’agissait du premier vote de défiance réussi en France depuis 1962.

Cela a entraîné des retards dans l’approbation du budget 2025 de la France, qui a été adopté en février 2025 sous le gouvernement du Premier ministre Bayrou.

Morningstar DBRS considère que la composition fragmentée de l’Assemblée nationale pourrait entraver la mise en place d’une politique économique et budgétaire efficace. La prochaine élection nationale prévue en France est l'élection présidentielle de 2027.

Conformément à la Constitution française, aucune autre dissolution de l’Assemblée nationale n’aura lieu dans l’année suivant des élections législatives anticipées, ce qui signifie en pratique avant la mi-2025.

Malgré divers vents contraires macroéconomiques et géopolitiques, l'économie française reste résiliente

La France bénéficie d’une économie importante, diversifiée et résiliente. L'économie et le marché du travail français ont été confrontés à divers défis ces dernières années, notamment un affaiblissement de l’environnement commercial mondial, un resserrement monétaire, une inflation élevée et un environnement économique relativement faible en Europe, en particulier en Allemagne, qui est un partenaire commercial clé pour la France.

Néanmoins, le PIB réel a augmenté de 1,1 % en 2023 (corrigé des variations saisonnières et du nombre de jours ouvrés) contre 0,4 % en moyenne dans la zone euro. En 2024, l'économie française devrait avoir progressé de 1,1 %, soit une fois encore plus que la zone euro, grâce au commerce extérieur et aux dépenses publiques. Soutenu par les réformes du marché du travail mises en œuvre ces dernières années, le taux de chômage national reste à des niveaux historiquement bas, s'établissant à 7,3 % au quatrième trimestre 2024.

Le gouvernement français prévoit une croissance du PIB réel de 0,9 % en 2025.

La consommation privée devrait soutenir modérément la croissance économique grâce aux gains de pouvoir d’achat de ces dernières années, à la baisse de l’inflation et à la probable réduction du taux d'épargne élevé des ménages.

En février 2025, l’inflation devrait être inférieure à 1,0 % en glissement annuel pour la première fois depuis février 2021, à 0,8 %. Un environnement inflationniste plus faible pourrait soutenir la confiance des consommateurs et contribuer à une réduction du taux d'épargne brut des ménages, estimé à environ 18 % en 2024, contre 14 % en moyenne entre 2014 et 2019. Néanmoins, les tensions géopolitiques et commerciales pourraient peser sur la croissance de l'économie française. La France est moins directement exposée aux droits de douane américains que d’autres grandes économies de la zone euro, mais elle pourrait être indirectement touchée compte tenu des interdépendances économiques et industrielles avec ses homologues européens.

Les risques pour la stabilité financière restent limités

Morningstar DBRS considère que le système bancaire français est globalement solide, bien qu’il soit l’un des moins rentables d’Europe.

La hausse des taux d’intérêt jusqu'à la mi-2024 a pesé sur les revenus nets d’intérêts des banques françaises, en particulier celles fortement exposées au marché de détail français.

Néanmoins, la solidité des activités de banque de financement et d’investissement, de gestion d’actifs et d’assurance a stimulé les revenus et la rentabilité des banques françaises en 2024.

Le coût du risque des banques françaises a augmenté en 2024, mais reste gérable et continue de refléter la qualité élevée des actifs.

Le ratio des prêts non performants sur le total des prêts était de 2,1 % au troisième trimestre 2024, contre 2,5 % au quatrième trimestre 2019. Les banques françaises restent bien capitalisées.

Le ratio agrégé de fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) s'élevait à 15,7 % au troisième trimestre 2024, contre 15,3 % au quatrième trimestre 2019, avant la pandémie.

Les sociétés non financières (SNF) et les ménages ont fait preuve de résilience dans un contexte de hausse des coûts de financement, malgré des niveaux d’endettement par rapport au PIB supérieurs à la moyenne de la zone euro.

Les SNF continuent de bénéficier d’une structure de dette à taux fixe, de marges solides et de niveaux de trésorerie élevés, bien qu’en baisse.

Le marché immobilier résidentiel français a connu une correction des prix et des volumes ces dernières années, la demande s'étant contractée en raison de la hausse des taux d’intérêt sur les nouveaux prêts.

Cependant, les risques de stabilité financière associés ont été contenus grâce au faible taux de chômage, au taux d'épargne élevé des ménages et au modèle français de financement hypothécaire, généralement constitué de prêts à taux fixe et à long terme.

Les risques liés au secteur extérieur sont relativement limités

La France ne présente pas de déséquilibres extérieurs significatifs.

Le déficit de la balance courante de la France, qui s'élevait en moyenne à 0,3 % du PIB entre 2015 et 2019, s’est creusé pour atteindre 2,1 % en 2020, la pandémie ayant affecté les flux touristiques et les entrées dans le secteur des services et freiné les performances à l’exportation des industries aéronautique et automobile.

Après un excédent de 0,3 % en 2021, le déficit du compte courant a atteint 1,2 % du PIB en 2022 en raison du choc énergétique, avant de diminuer à 1 % en 2023 et 0,4 % en 2024 grâce à la baisse des prix de l'énergie et aux importants excédents des secteurs du tourisme et des services financiers en 2024.

Le FMI prévoit que le déficit des comptes courants restera proche de l'équilibre d’ici 2027.

La position extérieure nette (PEN) est estimée à -24,8 % du PIB en 2024 par le Fonds monétaire international. L'économie ouverte de la France, avec des liens commerciaux, d’investissement et financiers étendus à travers l’Europe et le monde, soutient l’ajustement qualitatif positif pour l'évaluation de la composante « Balance des paiements » (BOP).

Les passifs extérieurs sont principalement libellés en monnaie locale. De plus, malgré une PII nette négative, les revenus d’investissement de la BOP sont largement positifs grâce au rendement du portefeuille d’investissements directs étrangers (IDE).

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