Les économistes se trompent souvent en ce qui concerne les Etats-Unis. On a annoncé l’effondrement de la consommation américaine en raison d’un endettement important, mais s’il y a baisse de la consommation, elle est conjoncturelle, elle n’est pas liée à l’endettement des ménages. Dès avant le 11 septembre, on assistait à un « soft lending » de la croissance aux Etats-Unis.
Pour prendre la pleine mesure du poids des actifs financiers dans le patrimoine des ménages américains, il faut regarder comment se compose ce denier. En 1998, l’immobilier
représentait 22% de ce patrimoine, contre 24% trente ans plus tôt. Dans ce patrimoine, les plus-values immobilières sont au moins aussi importantes que les plus-values financières.
Est-ce que l’on assiste à une “financiarisation” de l’épargne des Européens ?
On assiste à une convergence au niveau européen mais avec des écarts importants en terme de patrimoine financier.
Une des difficultés pour mesurer ces actifs financiers tient au patrimoine non-côté qu’il est difficile de valoriser, c’est le capitalisme familial, avec l’outil de travail qu’il s’agisse d’artisanat ou de PME. Je pense que la part du non-coté dans le patrimoine des ménages américains est mal évaluée, et c’est la même chose en Allemagne. En ce qui concerne la France, on estime que le non-coté représente 6 fois le patrimoine coté.
Côté convergence, il y a un développement du poids des actions. Les opérations de privatisation ont conduit de plus en plus de Français à détenir des actions en direct. En Allemagne, la privatisation de Deutsche Telekom a marqué le déclin du placement obligataire; et on assiste au même arbitrage en Belgique en raison de la baisse des taux.
D’autre part, les critères de Maastricht tendent à assécher l’offres de titres publics, ce qui incitent les investisseurs à s’orienter vers les placements en actions et en OPCVM.
Il faut tenir compte aussi du succès de l’assurance vie selon ses diverses formes en Europe. Bien que le patrimoine financier ait augmenté dans de fortes proportions sur le Vieux continent, c’est avec des modalités différentes. Aujourd’hui le Royaume Uni, mais aussi les Pays Bas, voit une large partie de l’épargne attirée part l’assurance-vie et les fonds de pensions, alors que l’Espagne et l’Italie privilégient les actions en direct. Quant à la France, elle fait la part belle comme l’Autriche à la gestion collective.
Les Européens, et en particulier les Français, sont-ils bien outillés pour gérer le défit des retraites ?
L’Allemagne a recentré le débat en début d’année avec une nouvelle loi dont la montée en régime est prévue jusqu’en 2008. Les salariés peuvent déduire leurs contributions à un fonds de retraite à hauteur de 1% de leur salaire brut, puis 2, 3, 4% les années suivantes. Il s’agit de produits collectifs à adhésion individuelle auxquels les entreprises ne sont pas tenues de contribuer.
En France, le PPESV [Plan Partenarial d'Epargne Salariale Volontaire, NDLR] donne un cadre intéressant, on demeure toutefois en deçà de ce qu’il faudrait faire. L’épargne salariale c’est bien, mais il faudrait que les entreprises soient en mesure d’abonder.
Malheureusement, à l’heure actuelle leur priorité est de gérer le passage aux 35 heures et le ralentissement de la croissance. Je pense qu’il manque un volet fiscal suffisamment fort et une exonération à l’entrée afin d’inciter plus fortement les particuliers à s’y intéresser.