Le métier de conseiller financier apparaît au cœur de polémiques. Quels sont les acteurs en présence ?
Il ya les CGPI (conseiller en gestion de patrimoine indépendant) qui ne font pas partie d’un réseau, contrairement aux CGP qui eux sont salariés d’une banque ou d’une compagnie d’assurance. Les CIF, conseillers en investissement financier, pratiquent le sous-métier spécialisé, comme son nom l’indique, en produits financiers. Un CGPI peut donc d’une part être CIF, lorsqu’il conseille des placements en Sicav par exemple, et d’autre part agir en tant que démarcheur, lorsqu’il commercialise les mêmes SICAV, mais aussi courtier d’assurance, et agent immobilier, enfin donner des conseils juridico-fiscaux, à titre accessoire.
Le débat porte sur la façon dont le CIF doit être rémunéré : via des rétrocessions versées par les fournisseurs de produits financiers ou par honoraires payés par les clients ?
C’est théoriquement au titre du statut de démarchage que l’on est payé par des rétrocessions et au titre du CIF que l’on perçoit des honoraires. Mais la frontière est illisible. D’autre part, n’importe qui peut vendre de la défiscalisation sans qu’on lui demande des comptes. Je reçois tous les jours des propositions de concepteurs de programme de défiscalisation dans l’immobilier de type Robien avec 10% de rétrocession de commissions sans que personne ne s’en émeuve !
Le régulateur veut limiter les rétrocessions versées par les fournisseurs de produits financiers aux CGP, n’est-ce pas le meilleur moyen de limiter les risques de conflit d’intérêt ?
Peut-être, mais le problème est que nous sommes en France et que les Français n’acceptent pas de payer le conseil financier. Ils veulent bien payer leur notaire, leur avocat, etc, mais pas ceux qui les conseillent pour leurs placements.
Il s’agit d’une mauvaise habitude prises auprès des banquiers : ces derniers donnent l’impression à leurs clients que le conseil est gratuit. Mais on sait bien que ce n’est pas le cas ! Dans la pratique, un client trouve normal de payer par exemple à sa banque 3% de frais de souscription pour une Sicav, mais si c’est moi qui lui conseille le même produit et lui propose de payer mon service 1,5%, il a l’impression que je gagne de l’argent sur son dos.
Y a-t-il des pays où les investisseurs acceptent plus facilement de payer le conseil ?
Plus ou moins, mais même aux Etats-Unis ou au Royaume Uni où on dit que le conseil fonctionne à base d’honoraires, on en est revenu. Aujourd’hui sur ces marchés les conseillers financiers sont surtout rémunérés par les commissions versés par les sociétés de gestion.
Alors, que préconisez-vous ?
Utiliser intelligemment le système de commission qui de toute façon se réduit progressivement, alors que s’empilent sur le dos du conseiller indépendant de nouvelles procédures et obligations qui alourdissent sensiblement sa charge de travail et ses responsabilités, et donc particulièrement ses charges.
Théoriquement, les CGPI ont un boulevard devant eux, avec de plus en plus de clients potentiels qui veulent un prestataire indépendant. Mais en même temps les conseillers sont confrontés à la compression des frais, la concurrence d’internet, des tâches administratives lourdes et coûteuses grandissantes. La vraie question est de savoir si les investisseurs sont réellement prêts à payer pour avoir les services de conseillers indépendants…
Concrètement, on va essayer d’augmenter la part des honoraires qui en moyenne est actuellement de l’ordre de 10% de rémunérations perçus par les conseillers. La lettre de mission peut nous y aider, car jusqu’à présent c’étaient plutôt certains clients qui demandaient combien ils devaient. On va progressivement leur expliquer qu’il y a un coût du conseil.
C’est une evolution ineluctable…
Certes, mais tout le monde n’est pas logé à la même enseigne ! Jusqu’à récemment une grande banque à réseau commissionnait ses chargés de compte et ses conseillers en gestion de patrimoine. En novembre dernier, elle a transformé ces commissions en primes de fin d’année. Ce système est hypocrite.
Autre hypocrisie au niveau de la formation : les avocats et les notaires en sont dispensés. Certes ces professionnels peuvent plus facilement se faire rémunérer par leurs clients en honoraires mais je ne vois pas comment un jeune avocat ou notaire peut sérieusement conseiller une Sicav japonaise… Il faut que la transparence et la qualité du conseil soit la même pour tout le monde.