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Retraites complémentaires : gérer le quotidien, préparer l’avenir

Directeur financier des régimes de retraite complémentaire de l'Agirc et de l'Arrco, Philippe Goubeault doit gérer à 3 mois et à 10 ans.

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L’équilibre des retraites se pose-t-il dans les mêmes termes pour l’Agirc et l'Arrco que pour le régime général ?

Sur le plan des équilibres techniques, la réforme de 2010, avec le relèvement de l'âge de la retraite de 60 à 62 ans, aura des effets positifs. Les régimes complémentaires ne sont pas tenus de suivre le régime général, même si dans les faits un alignement a été retenu par l'accord paritaire de 2011. Ce fut également le cas en 1983 avec l'instauration de la retraite à 60 ans. L'Agirc et l'Arrco auraient pu ne pas suivre ces dispositions d'abaissement de l'âge de la retraite. Les partenaires sociaux l'ont cependant accepté, à la condition qu'un financement spécifique soit apporté par l'ASF. Cette fonction de prise en charge des surcoûts résultant de retraite à 60 ans, assurée par l'ASF à partir de 1983, a été prolongée à compter de 2001.

Pour l'heure, sous les hypothèses économiques du scénario central des études présentées aux partenaires sociaux, les régimes complémentaires sont dans une perspective d'amélioration progressive de leurs conditions techniques et d'équilibre financier jusqu'aux alentours de 2025. Au-delà, le maintien d'un fonctionnement normal nécessitera certainement de nouvelles décisions.

Concrètement comment les régimes ont-ils vécu la crise économique ?

Après la crise de 2008, le contexte financier a été favorable en 2009, avec une progression des marchés actions de plus de 25 % et une bonne performance des marchés obligataires de l'ordre de 7 %. Les réserves techniques ont même enregistré une légère valorisation sur les deux années. En revanche, la crise économique en 2009, marquée par une baisse de la masse salariale des cotisants, a fait entrer les régimes en déficit dans le cours de l'année, alors qu'une telle situation n'était attendue qu'à l'horizon 2015-2017.

Afin de pallier le manque de financement des opérations de retraite, des prélèvements ont été effectués sur les fonds détenus par les fédérations qui ont ainsi globalement désinvesti 2,5 milliards d'euros jusqu'à la mi-2010.

Pour la période suivante, les instances ont pris la décision de mobiliser les portefeuilles des institutions qui ont en conséquence prélevé 3,5 milliards d'euros pour le financement des échéances trimestrielles d'allocations jusqu'au 1er janvier 2011.

C’est beaucoup d’argent…

Les réserves de fonds de roulement, d'un total de 33 milliards, représentent l'équivalent d'une demi-année d'activité, ce qui correspond au décalage de 6 mois entre les flux de dépenses et de ressources. Les allocations payées trimestriellement et d'avance, par exemple au 1er janvier d'une année, sont en fait financées par les cotisations recouvrées à terme échu, dans le cours du 4ème trimestre de l'année précédente, et par conséquent afférentes au 3ème trimestre.

L'accord paritaire de mars 2011 prévoit une modification du rythme de fonctionnement des régimes. Les allocations seront payées mensuellement à compter du 1er janvier 2014. Cette disposition réduira d'un tiers les réserves de fonds de roulement, soit 2 mois sur 6 mois, ce qui aura pour conséquence de libérer des actifs, jusqu'alors mobilisés pour la trésorerie, qui seront apportés fin 2013 aux réserves de financement à moyen et long terme, à hauteur d'environ 10 milliards.

Les ressources des régimes ont atteint globalement 64 milliards en 2010. Le montant des réserves de financement à moyen et long terme, de 58,2 milliards, représentent donc moins d'une année de ressources. Elles ne constituent donc qu'un élément de stabilisation dans le pilotage des opérations de retraite, mais cet élément donne le temps nécessaire à la gestion et par conséquent aux Partenaires sociaux responsables de l'équilibre financier pluriannuel des régimes.

Comment s’est opérée la remontée de fonds en fin d'année 2010 ?

La décision de constitution de fonds obligataires adossés au niveau des fédérations a été prise par les instances en juin 2010 avec pour objectif de laisser aux institutions un horizon de placement stable sur une partie des réserves. Les montants ont cependant été limités à une anticipation des désinvestissements sur la période 2011-début 2012, pour tenir compte du niveau bas des taux, et en raison des incertitudes liées au contexte économique et aux décisions des partenaires sociaux. Les directeurs financiers des institutions ont été informés de cette remontée de fonds vers les fédérations dès le début juillet, et ont pu ainsi adapter les portefeuilles en prévision du transfert de réserves qui a eu lieu début novembre.

Le choix d’une gestion adossée de ces fonds de régulation a motivé leur positionnement au niveau des fédérations. Quatre sociétés de gestion, mettant en œuvre des moyens importants, ont pu disposer ainsi d'une forte capacité de négociation et limiter les coûts de construction des portefeuilles. Ces conditions n'auraient pas été réunies, si la solution d'adossement avait été dispersée entre toutes les institutions.

Au plan général, comment sont gérés les fonds Agirc-Arrco?

Les réserves des régimes Agirc et Arrco, détenues par les fédérations et les institutions, sont très majoritairement en gestion déléguée au travers d’OPCVM dédiés et plus marginalement par mandats. La gestion directe ne représente qu’environ 7% des encours dont 5,5% sont placés en OPCVM ouverts.

Le règlement financier de l’Agirc et de l’Arrco fixe le cadre de la gestion avec au minimum 60% de produits de taux et au maximum 40% en actions et produits de diversification. Sur la partie taux, la contrainte de notation est de A- avec cependant une possibilité de titres notés BBB à hauteur de 5%. Pour la diversification hors zone euro, les limites sont de 5% dans la partie taux et 10% dans la partie action. Le règlement prévoit également la spécification par les Conseils d’administration d’une orientation de gestion qui actuellement est de 30% actions/70% taux.

En fin d’année 2010, le portefeuille global était composé à hauteur de 28% d’actions en Arrco et 22% en Agirc, soit des niveaux inférieurs à l’orientation stratégique d’actif de 30% pour les fonds moyen/long terme. Cette réduction de l'exposition aux actions résulte bien entendu de la constitution des fonds obligataires adossés.

La mesure de l'impact des dispositions de l'accord paritaire du 18 mars 2011, principalement le relèvement de l'âge de la retraite, le maintien de l'AGFF et le paiement mensuel des allocations à effet du 1er janvier 2014, permet d'apprécier les contraintes à venir de désinvestissements des réserves techniques, selon différentes périodes de court, moyen et long terme. Les contraintes de passif des régimes peuvent ainsi être décomposées en plusieurs séquences.

Pour une première période de court terme, allant jusqu'à fin 2013, et au-delà des sorties de fonds provenant des FCP dédiés adossés déjà constitués, des prélèvements supplémentaires devront être effectués. Dans une séquence de moyen terme, de 2014 à 2016, les besoins de trésorerie seront couverts au moyen des fonds libérés par la mensualisation du paiement des allocations. Une part importante des portefeuilles existants ne sera donc progressivement mobilisée qu'à compter de 2017.

Cet article a été initialement publié dans le magazine Morningstar Professional de juin 2011.

SYNTHESE 

AGIRC ARRCO

Les deux fédérations gèrent les deux régimes de retraite complémentaire, l'Agirc pour les cadres et l'Arrco pour l'ensemble des salariés du privé. Les institutions sont gérées au sein de groupes de protection sociale, actuellement au nombre de 16, dont les plus connus sont Malakoff Médéric , AG2R La Mondiale, Pro BTP, Humanis, Mornay, Agrica,……

Avec quelque 17,5 millions de cotisants, dont 3,7 millions de salariés cadres, les deux régimes ont versé 63 milliards d’euros en 2009. Les comptes 2010 seront arrêtés au cours du mois de juin.

Philippe Goubeault

Il a débuté sa carrière à l’Arrco en tant que chef du service technique en 1984, et en devient le directeur technique et financier en 1998. Depuis 2002, date de création du GIE Agirc-Arrco, il est le directeur financier de l'Agirc et de l'Arrco.

Titulaire d'un doctorat en monnaie et finance, Philippe Goubeault est membre de l'Institut des Actuaires.

Ses 3 chantiers

- L'organisation des désinvestissements au sein de chacune des fédérations.

- La spécification des allocations stratégiques d'actif.

- La mensualisation du paiement des allocations à partir du 1er janvier 2014.

 

 

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A propos de l'auteur

Frédéric Lorenzini

Frédéric Lorenzini  est Directeur de la Recherche de Morningstar France.