En raison de leurs faibles coûts et « tracking errors », les ETF sont devenus des outils incontournables pour la création de blocs passifs dans un portefeuille. Il leur reste toutefois un terrain à conquérir : la gestion active ; un terrain encore semé d’embûches principalement en raison de l’obligation de transparence qui caractérise les ETF. Le problème est simple : un gérant qui, après de longues et coûteuses recherches, a sélectionné 30 à 40 idées d’investissement, souvent ne souhaite pas les partager avec le reste du marché. En revanche, un gérant qui détient 500 titres et qui n’a aucun avis sur leur valeur fondamentale ne devrait a priori pas s’opposer à jouer la transparence totale.
Ainsi, à mi-chemin entre la gestion active et la gestion passive se situe l’indexation améliorée (Enhanced Indexing). Cette approche repose sur des méthodes quantitatives, généralement sous la forme de modifications fines d’indices traditionnels. Le portefeuille qui en résulte combine à la fois des caractéristiques recherchées par les gérants de gestion active, comme par exemple des actions affichant un faible PER ou un bon momentum, et les attributs mécaniques et prévisibles des trackers. Généralement, les gérants de fonds d’indexation améliorée n’ont aucun problème à dévoiler les titres qu’ils détiennent en portefeuille car ils opèrent de manière systématique.
Outre-Atlantique, les ETF d’indexation améliorée ont montré des résultats satisfaisants et bon nombre d’entre eux sont notés 4 à 5 étoiles par Morningstar. Ceci étant, leur degré de complexité varie grandement, allant d’une simple approche d’équipondération à une approche de pondération basée sur les rendements, en passant par des stratégies multifactorielles bien plus élaborées.
Modification des pondérations
La forme d’indexation améliorée la plus simple est l’équipondération. Selon cette méthode, les composants de l’indice se voient attribuer un poids égal au lieu d’être pondérés en fonction de leur capitalisation boursière comme c’est traditionnellement le cas.
L’indice équipondéré le plus connu est sans aucun doute aux Etats-Unis le Rydex S&P Equal Weight. Il est composé exactement des mêmes actions que le S&P 500, mais reparties de manière égale. Résultat : les dix plus grandes valeurs ne représentent que 2% du S&P Equal Weight, alors qu’elles représentent 19% de l’indice S&P 500. Par conséquent, le fonds Rydex S&P Equal Weight a un profil risque-rendement plus comparable à un fonds mid-cap. Alors que le S&P est composé pour plus de la moitié de grandes capitalisations et pour 12% de moyennes capitalisations, c’est à peu prés le contraire pour le fonds Rydex. De ce fait, le fonds est beaucoup plus sensible à des facteurs type ‘Momentum’ et ‘Value’ (les entreprises de grande taille ont tendance à croître beaucoup moins rapidement que les entreprises de taille moyenne et sont donc moins sensibles à ces facteurs).
Pas encore adoptée en Europe, l’approche équipondérée a obtenu de très bons résultats ces dix dernières années aux Etats-Unis. Reste à voir si cela va durer… Il y a dix ans, les petites capitalisations offraient une décote par rapport aux très grandes capitalisations, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Toujours est-il que même si les petites capitalisations ne performent pas aussi bien, la stratégie continuera de bénéficier du rééquilibrage régulier des pondérations. Chaque trimestre, le fonds vend les actions qui se sont appréciées pour acheter celles qui se sont dépréciées, ce qui permet de maintenir l’équipondération du portefeuille.
Malgré le succès de cette stratégie, force est de constater qu’elle ne se base sur aucun critère fondamental. Rien en effet ne justifie fondamentalement que les actions soient réparties de façon égale. En revanche, pondérer les titres d’un indice en fonction de leur valeur fondamentale a beaucoup plus de sens. Quelques ETF suivent cette approche.
A la recherche du rendement
Une autre méthode simple d’investissement quantitatif consiste à acheter des actions à haut rendement, c'est-à-dire doté d’un ratio dividendes/cours élevé. Le taux de rendement d’une action est en effet une mesure d’attractivité très utile, que certains comparent d’ailleurs aux rendements obligataires. Les analyses de séries historiques tendent à montrer que les dividendes représentent en moyenne 40% de la performance globale d’un investissement en actions. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, les entreprises qui distribuent le plus de dividendes ont tendance aussi à afficher les plus forts taux de croissance. Investir dans des actions à fort dividende semble donc en théorie un pari gagnant.
La manière la plus logique pour un fonds de suivre cette stratégie est de pondérer les actions en fonction de leur taux de rendement. Ainsi les actions qui versent le plus de dividendes (par rapport à leur valeur boursière) sont les plus représentées. Une série d’ETF en Europe suivent actuellement cette stratégie, comme l’Amundi ETF FTSE UK Dividend Plus qui donne accès aux 50 valeurs britanniques ayant les taux de rendements prévisionnels les plus élevés parmi les 350 plus grandes capitalisations Outre-Manche. L’iShares DivDAX, quant à lui, suit la performance des 15 actions à plus haut rendement de l’indice DAX.
Cette méthode recèle toutefois un biais : elle ne prend pas en compte la régularité des dividendes versés. Ainsi une entreprise qui afficherait temporairement un taux de rendement élevé juste avant un abaissement de son dividende se verrait surreprésentée dans le fonds.
Pour éviter ce problème, certains fonds choisissent de se concentrer sur les entreprises de qualité, c’est-à-dire celles qui bénéficient de positions de marché dominantes et qui augmentent régulièrement leurs dividendes, comme par exemple France Telecom, Unibail Rodamco, ou encore RWE. Parmi les ETF qui suivent ce type de stratégie, on peut citer l’iShares Euro Stoxx Select Dividend 30. Ce fonds offre une exposition aux 30 valeurs de la zone euro qui versent les dividendes les plus élevés couvrant tous les pays de l’indice Euro Stoxx. Cet indice n’inclut que des sociétés affichant un taux de croissance historique du dividende par action sur cinq ans positif et un ratio dividende/ bénéfices par action inférieur ou égal à 60 %. A noter toutefois que le taux de rendement de 4% de l’iShares Euro Stoxx Select Dividend 30 n’est que très légèrement supérieur à celui (3%) de l’Euro Stoxx 50. Cette stratégie a permis aux fonds d’éviter de surpondérer les valeurs bancaires au moment de la crise financière.
Le fonds américain Vanguard Dividend Appreciation, lui, va encore plus loin en n’incluant que des entreprises ayant relevé leurs dividendes chaque année au cours des dix dernieres années. Cette méthode ultra sélective confère au fonds un « tilt qualité » grâce auquel seules les sociétés bénéficiant d’une forte image de marque et capables de maintenir leur part de marché ont leur place.
Toujours aux Etats-Unis, un autre fonds, le WisdomTree LargCap Dividend, emploie lui une méthode encore différente : il pondère les entreprises selon le montant de dividende qu’elles prévoient de distribuer. Cette stratégie permet d’éviter la surreprésentation de petites entreprises incapables d’assurer un versement régulier de dividendes. Aucun fournisseur d’ETF européen n’utilise encore cette méthode.
L’approche multifactorielle
Research Affiliates a fait breveter une méthode qui pondère les entreprises en fonction de quatre facteurs fondamentaux : le chiffre d’affaires, la valeur comptable, les dividendes, et les cash flows. Les fonds qui adoptent cette approche dite « d’indexation fondamentale » bénéficient d’un biais grande valeur plus important (et a fortiori d’une exposition aux petites valeurs plus faible) que les fonds équipondérés. Le recours à quatre mesures d’analyse fondamentale, au lieu d’une ou deux, permet aussi d’obtenir des rendements plus réguliers. Apres tout, les analystes financiers prennent bien en compte plusieurs facteurs !
D’une certaine façon, on peut dire que les indices fondamentaux s’apparentent aux indices de gestion active. Certains les considèrent en tout cas ainsi, alors que d’autres estiment que ces indices demeurent des outils de gestion passive dans la mesure où ils n’incluent que des entreprises figurant dans les indices traditionnels. Le débat sémantique reste ouvert... Toujours est-il qu’actuellement, seuls deux fournisseurs d’ETF en Europe donnent accès aux indices fondamentaux FTSE RAFI : Lyxor, qui utilise la réplication synthétique, et PowerShares qui suit le modèle de réplication physique. Leur gamme d’ETF couvre l’Europe, les Etats-Unis ainsi que l’Asie.
L’ETF WISE Quantitative Strategy vendu par Lyxor suit lui une approche encore différente : le modèle pondère ses composantes (grandes capitalisations européennes) en fonction de critères ‘Value’ et ‘Momentum’ retenus pour la précision avec laquelle ils ont permis de prévoir, par le passé, les surperformances et les sous-performances des divers titres. L’indice est rebalancé tous les mois. Ce fonds a surperformé la plupart des indices européens sur les trois dernieres années.
Comme nous l’avons précédemment souligné, les ETF d’indexation améliorée ont dans leur ensemble connu des résultats jusqu’ici relativement satisfaisants. Reste à voir si en moyenne ils continueront de battre les indices traditionnels de gestion passive. Une chose est sûre : nous pouvons nous attendre à voir une multiplication de ces fonds quantitatifs, et ce des deux côtés de l’Atlantique. En raison de leur faible coût, ils représentent une alternative intéressante pour tout investisseur à la recherche d’une composante active dans un investissement traditionnellement passif.
Cet article a été publié initialement dans la magazine MorningstarProfessional de juin 2011.